Thierry Fiorilli

A quand un sursaut francophone ?

Thierry Fiorilli Journaliste

Bientôt deux mois que le gouvernement Michel est en selle. Bientôt deux mois qu’il est la cible de tous les syndicats du pays. Deux mois que les partis qui n’y siègent pas le canonnent méthodiquement, inlassablement.

Deux mois, donc, que le MR, seul parti francophone de la majorité au fédéral, n’entretient plus aucun contact officiel avec le PS, le CDH et le FDF, aux commandes wallonnes et bruxelloises. Pas davantage avec Ecolo, le PTB ni même le PP, les trois autres principales formations politiques de l’opposition, à tous les niveaux. Les seules occasions de s’adresser la parole tournent donc invariablement au clash.

De part et d’autre, on continue à en rejeter la responsabilité sur ce qu’il est de plus en plus convenu d’appeler l’adversaire. L’ennemi, même. Les troupes du Premier ministre accusent toujours socialistes et humanistes d’avoir déclaré la guerre, en confisquant le pouvoir à Bruxelles et en Wallonie. Le PS et le CDH rétorquent encore que le MR s’est allié avec le Diable (la N-VA), méprisant ainsi les voix de la majorité de l’électorat francophone.

Bilan de l’affrontement : le parti de Charles Michel est terriblement isolé, celui de Benoît Lutgen fort décrédibilisé et celui d’Elio Di Rupo toujours ébranlé par la perte de ce pouvoir fédéral auquel il participait sans interruption depuis un quart de siècle.

Conséquences : la N-VA se pince tous les jours pour s’assurer qu’elle ne rêve pas mais qu’elle détient bel et bien toutes les commandes de l’Etat fédéral, en plus de celles de la Région flamande. L’aversion entre personnalités de partis francophones opposés a viré à la haine franche et aucune réflexion sur le devenir des Régions wallonne et bruxelloise n’est possible. Puisque les francophones ne se parlent plus. Au moment où les entités fédérées héritent de toujours plus de compétences, sans être vraiment capables de les assumer.

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De quoi craindre que le redressement économique francophone, réclamé à cor et à cris par tous, depuis des décennies, demeure un fantasme.

Les sentiments de vexation, les soifs de revanche et les stratégies électoralistes, tant à droite qu’à gauche, empêcheraient donc tout débat, toutes mesures de remise en marche de Bruxelles et de la Wallonie et toute gouvernance fédérale réellement innovante.

Pourtant, déjà le 30 mai dernier, soit cinq petits jours seulement après les élections, des politologues de l’université d’Anvers et de l’UCL, après analyse de 67 propositions soumises à tous les partis flamands et francophones, concluaient à la cohérence des coalitions aujourd’hui installées. « En termes de logique idéologique et programmatique, et en partant de l’hypothèse que la N-VA suivra au moins durant un certain temps une stratégie de « stop institutionnel » (ce qui rendra ce parti bespreekbaar pour des partis francophones), on voit clairement émerger un centre de gravité N-VA – CD&V – Open VLD – MR, fortement distinct d’un pôle PS – SP.A, et par ailleurs, le CDH occupe une position particulière, intermédiaire », concluaient-ils.

La déception et l’irritation face aux pertes de temps et d’énergie auxquelles on assiste n’en sont que plus grandes. Et légitimes. Les responsables des partis francophones vont-ils enfin en prendre la mesure ? Et y réagir positivement ?

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