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A louer, sauf pour les chômeurs et les étrangers

Le Vif

Le Centre pour l’Egalité des chances a fait mesurer pour la première fois l’ampleur du phénomène de la discrimination dans le secteur du logement. Le baromètre fait notamment apparaître son existence dans toutes les phases du processus de location dans le secteur du logement privé. Il met aussi en exergue l’insuffisance de l’offre de logements publics et la diversité des règles d’accès comme facteurs aggravants de la vulnérabilité de certains publics défavorisés.

Ce « Baromètre de la diversité » a été consacré par le Centre pour l’Egalité des Chances au logement, deux ans après celui qui a été consacré à l’emploi, et deux ans, avant un troisième qui sera consacré à l’enseignement.

L’objectif à terme est de répéter l’exercice tous les six ans, histoire d’avoir une base de comparaison pour mesurer l’évolution du phénomène dans le temps, à la lumière, notamment, des dispositions prises dans le champ politique.

Dans le domaine du logement privé, les personnes d’origine étrangère et celles qui bénéficient d’allocations sociales, ou de revenus modestes sont particulièrement discriminées, parfois via des stratégies d’évitement subtiles de la part des propriétaires et agents immobiliers.

Selon le baromètre établi par des universités libres francophone et flamande de Bruxelles et le bureau d’études BRAT, ce phénomène existe à chaque étape du processus de mise en location: des annonces en façade (surtout), ou via les « petites annonces », à la conclusion du bail en passant par la prise de contact (téléphonique ou par e-mail) et lors de la visite du logement.

L’enquête a révélé jusqu’à près de 14% de comportement discriminatoires selon des critères raciaux lorsque le demandeur est un homme, et jusqu’à 17% selon le critère de la fortune, pour les femmes. Les femmes célibataires et les personnes souffrant d’un handicap sont aussi confrontées à la discrimination, mais dans une moindre mesure.

Elle tend à démonter que les agents immobiliers font souvent le jeu des propriétaires en jouant le rôle de « filtre » pour écarter certaines catégories de personnes. Ils sont 42% à répondre favorablement à la demande d’écarter les étrangers, et 61% à celle d’écarter les chômeurs.

En ce qui concerne le logement public, le Centre pour l’Egalité des Chances pointe la nécessité d’harmoniser les critères d’attribution entre les différents opérateurs et la nette insuffisance, pour des raisons historiques, de logements sociaux pour les isolés et pour les familles nombreuses.

L’offre de logements publics plurielle donne lieu à un déficit d’information du candidat locataire.

Le baromètre souligne aussi que le critère d’ancrage local du demandeur peut parfois s’avérer une source importante de discrimination.

Ce critère comprend le critère linguistique que le Centre pour l’Égalité des chances n’a pas analysé en tant que tel, s’estimant incompétent pour ce faire.

L’étude a été réalisé avec le soutien de la ministre fédérale pour l’Egalité des Chances, Joëlle Milquet, et des trois ministres régionaux du Logement, Jean-Marc Nollet (Wallonie), Christos Doulkeridis (Bruxelles), et Freya Van Den Bossche (Flandre).

« Pas un bon résultat »

L’Institut Professionnel des agents Immobiliers (IPI) a estimé jeudi par la voix de son vice-président que les constats du Centre pour l’Egalité des Chances en matière de discrimination en matière d’accès au logement n’étaient « pas bons ». Cet organe de contrôle du secteur veut examiner s’il est possible d’organiser une formation axée sur la lutte contre la discrimination.

« Ce n’est pas un bon résultat », a commenté Luc Machon, premier vice-président de l’Institut Professionnel des agents Immobiliers (IPI). Selon lui, les agents immobiliers sont actuellement tenus de suivre dix heures de formation par an, mais ils peuvent choisir eux-mêmes le thème de la formation.

« Un agent immobilier qui entame son stage est toutefois interrogé sur le contenu de la législation. Le test à la fin du stage est aussi mis à profit pour jauger sa connaissance des lois anti-discrimination », a-t-il précisé.

« Nous sommes contre la discrimination, mais cela ne peut pas empêcher les opérateurs immobiliers de pouvoir faire une sélection, a quant à elle réagi la Confédération des professionnels de l’Immobilier de Belgique.

L’association professionnelle a tenu à faire savoir qu’elle réprouvait toute forme de discrimination, mais elle souligne que l’agent immobilier est aussi un commerçant qui ne voit pas d’un bon oeil ses clients s’en aller.

« Nous ne pouvons pas stigmatiser l’agent immobilier; c’est encore toujours le propriétaire qui pose la question. La sélection principale est faite sur base de la solvabilité. Discriminer l’ensemble des chômeurs sur cette base constitue évidemment une faute », a-t-on ajouté au sein de la Confédération.

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