Luckas Vander Taelen

« À l’époque, on trouvait les racistes dans un sombre café anversois, aujourd’hui ils sont sur internet »

Luckas Vander Taelen Journaliste, historien et ancien politique (Groen)

« L’indignation sélective entraîne l’incompréhension d’une grande partie de l’opinion publique », craint Luckas Vander Taelen. Il compare les réactions racistes au décès d’un jeune Flamand d’origine marocaine aux propos d’adeptes du Vlaams Blok à fin des années quatre-vingt.

En 1988, j’ai tourné un reportage sur Filip De Winter pour l’émission de la RTBF Strip-Tease. Je l’ai suivi les semaines qui précédaient les élections communales à Anvers. Je l’ai filmé à Borgerhout où il allait sonner chez les habitants et entrait dans une série de cafés populaires. Il ne devait pas dire grand-chose, car dès que les gens voyaient le petit groupe de membres du Vlaams Blok, ils lançaient des propos haineux sur les migrants. « Il faut expulser cette vermine noire », hurlait une personne, « bombardez-les », criait une femme hystérique. « Envoyez-les dans les chambres à gaz », était la suggestion ultime.

J’ai pensé à ces propos en lisant les commentaires tout aussi immondes sur le site de la Vlaamse Verdedigingsliga après la mort d’une jeune Flamand d’origine marocaine. La seule différence, c’est qu’il y a trente ans il n’y avait pas d’internet et qu’on entendait ce genre de propos abjects que dans les bars et cafés et pas sur la Toile.

Les racistes sont partout et de tout temps

À l’époque, les propos de mon reportage avaient choqué l’opinion publique. J’ai proposé le reportage à la VRT, mais ils ne le trouvaient pas assez pertinent. Ils trouvaient qu’il ne fallait pas accorder trop d’attention à ce genre de marginaux.

À l’époque, les racistes étaient dans un café ranci, maintenant ils sont sur internet

Peut-être que la VRT avait raison. Je crains qu’il y ait toujours des gens bêtes et racistes qui ont des idées choquantes. À l’époque, ils étaient dans un café ranci, maintenant ils sont sur internet.

Cependant, je ne pense pas que ces gens soient représentatifs de tous ceux qui vivent en Flandre. Certaines réactions aux publications de la Verdedigingsliga étaient aussi irréfléchies que les commentaires eux-mêmes.

C’est sûrement l’air du temps qui veut qu’on réagisse sur-le-champ et sans nuance. Il n’y avait pas lieu de relativiser. Chacun sait que sur la Toile, on trouve des mails haineux tous les jours. Seulement, on ne voulait pas en parler.

Indignation sélective

Une semaine plus tard, le fils du prédicateur de haine Shayh Alami se filmait la nuit dans les rues de Verviers en appelant à égorger les chrétiens. On aurait dit que la classe politique était en vacances, car cette fois il y avait beaucoup moins de tintouin.

Il s’est avéré que le garçon de Verviers avait un avocat qui a déclaré au JT qu’il était en vacances, mais qu’il demandait de la « compréhension ». « Je me suis mal exprimé », a-t-il déclaré en disant qu’il regrettait ses propos. Peut-être que les moins doués de la Verdedigingsliga auraient dû dire la même chose…

L’indignation sélective et les généralisations trop faciles sont inquiétantes, et entraînent l’incompréhension et l’insatisfaction d’une grande partie de l’opinion publique. Aujourd’hui aussi, beaucoup de personnes supportent mal d’être traitées de racistes suite à l’inconduite de quelques idiots.

Diaboliser les électeurs

Dans mon reportage de 1988, on voyait des antifascistes autoproclamés déchirer des affiches du Vlaams Blok, traiter les militants de nazis et se féliciter.

Pendant longtemps, on a cru que la lutte contre le Vlaams Blok pouvait être gagnée en diabolisant le parti et ses électeurs. Mais cette tactique a poussé le parti dans une position idéale d’outsider qui a plu à un électorat plus large que les racistes primaires.

En 1988, ils ont percé à Anvers. Trois ans plus tard, on a vécu le premier dimanche noir d’une série. On espère qu’on n’est pas parti pour un nouveau dimanche noir.

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