Le "Walen buiten" aura raison du gouvernement de Paul Vanden Boeynants. © Belgaimage

6 février 1968 : quand Verroken fit tomber Vanden Boeynants sur Louvain

Il a osé. Cet après-midi, à la Chambre, Jan Verroken a pris la parole. Il a interrogé le Premier ministre sur  » les véritables causes de la tension actuelle à propos des problèmes universitaires « . Ensuite, fermement, il a demandé le transfert de la section francophone de l’UCL vers la Wallonie. Il a aussi plaidé pour la scission de l’ULB en deux sections. Il vient de poser une bombe. Dès le lendemain, celle-ci éclate. Et le gouvernement démissionne.

L’affaire de Louvain, c’est un dossier pourri. Depuis toujours, malgré qu’elle soit située en territoire flamand, c’est en français que l’université fonctionne. Logique : le français est la langue des élites. Et l’université, le lieu où on les forme. Mais depuis la fin de la Première Guerre mondiale, renforcé dans les tranchées, le Mouvement flamand réclame du changement. Ce qui, très vite, provoque des tensions. En 1924, un étudiant wallon tire sur un camarade flamand. La raison ? La participation du jeune homme à un congrès pannéerlandais. La réaction des autorités universitaires est tiède : elles se contentent de demander au tireur de ne plus se montrer à Louvain…

Dans les faits, la situation évolue doucement. Certains cours sont dédoublés, la proportion de personnel néerlandophone augmente. Mais les exigences ne diminuent pas pour autant. Pour les flamingants, Louvain demeure une citadelle francophone. En 1960, lorsque le politique wallon Jean Duvieusart s’exprime, à l’UCL, sur les problèmes linguistiques, il est chahuté. Et même blessé à la tête. Plus tard, Verroken qualifiera cet événement de  » premier vrai détonateur « .

Les années 1960 entraînent leur lot de manifestations. Etudiants, profs et gendarmes battent le pavé de la discorde, encadrés par les gendarmes et les autopompes. Au fil du temps, un slogan émerge :  » Walen buiten « .

Et les autorités ? Elles sont divisées ! L’épiscopat, tout d’abord. Membres du pouvoir organisateur, les évêques tardent à trancher. Dans les faits, ils favorisent le statu quo. Quant aux politiques, ils agissent en ordre dispersé. Nommé à la tête du gouvernement en 1966, le PSC Paul Vanden Boeynants espère pouvoir placer l’affaire au frigo. Il commet là une erreur stratégique.

Le 15 janvier 1968, un plan d’expansion est rendu public par les autorités académiques francophones. Il prévoit le maintien – et même le développement – d’une section française à Louvain. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Dans la rue, ça s’affole et au Parlement, ça s’emballe. Depuis quelques années, Verroken prévoyait une interpellation. Le chef de file des sociaux-chrétiens n’entend pas faire tomber le gouvernement, mais il n’entend plus voir la situation se maintenir.

Le 7 février, le gouvernement tient une réunion de crise. N’ayant plus la confiance de leurs coreligionnaires, les ministres flamands PSC n’ont d’autre choix que de démissionner. Avec eux, c’est tout le gouvernement qui tombe. L’heure est grave : très ému, le social-chrétien liégeois Pierre Harmel souligne  » qu’il passe le moment le plus difficile de sa carrière politique depuis la guerre « .

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