Thierry Fiorilli

35 ans du Vif/L’Express, 35 ans d’impact sur la société belge

Thierry Fiorilli Journaliste

Le 22 mars, Ebdo s’est arrêté. Le premier numéro du magazine datait du 12 janvier dernier. L’hebdomadaire français se voulait « à contre-courant de la fatalité et du déclin de la presse », format papier, indépendant, sans publicité, « généraliste et accessible au plus grand nombre ». Un peu plus de deux mois d’existence et déjà financièrement cuit.

Selon ses fondateurs,  » presque 20 000 lecteurs  » l’achetaient ou le recevaient chaque semaine. Selon Le Monde,  » les ventes en kiosque (hors abonnements) sont passées de 53 000 exemplaires pour le premier numéro à 21 000, puis à 13 000 « , puis entre 8 000 et 10 000.  » Le nombre des abonnés, lui, plafonnait à 8 000, pour un objectif de 70 000 « .

On peut penser ce qu’on veut de la qualité d’ Ebdo, en matière de contenus comme de graphisme, personne, dans les milieux journalistiques, n’a à se réjouir de la mort d’un titre de presse, fût-il rival. Parce que la disparition aussi fulgurante du magazine confirme qu’il y a des secteurs bien plus prometteurs, commercialement, que celui des médias papier. On peut aussi estimer que le marché français ne disposait plus d’espace vital suffisant pour un nouveau venu (on verra si Vraiment, hebdomadaire lui aussi et lancé le 21 mars, démontrera le contraire, à l’image, depuis trois ans, du  » quinzomadaire  » Society). Or, le marché francophone belge, moins concurrentiel mais beaucoup plus étriqué, ne brille pas pour autant par le nombre de ses publications, quotidiennes comme périodiques, encore en vie. Et bon pied bon oeil.

Le Vif/L’Express y fait figure d’exception.

Parce que, parmi les hebdomadaires d’information générale, c’est le plus jeune des survivants : 35 ans, cette année.

Parce que c’est le seul à pouvoir revendiquer le statut de  » quality paper « , comme disent les Anglo-Saxons pour le distinguer des journaux populaires.

Nous prouvons, toutes les semaines, notre indépendance par rapport aux partis politiques et aux annonceurs

Parce qu’il se caractérise par un taux exceptionnel d’abonnés (plus de 80 % de ses lecteurs).

Parce qu’il ne reçoit aucun subside.

Parce qu’il prouve, toutes les semaines, son indépendance – tant par rapport aux différents partis et courants politiques que face aux annonceurs.

Parce qu’il a, c’est notre intime conviction, amplement contribué, ces dernières années, à réhabiliter au sein de la presse francophone belge l’investigation. En dégainant notamment les dossiers Crioc, Dragone, Milquet, Publifin, Samusocial, Kazakhgate, Gial, fonds libyens…

Ses révélations ont déclenché des enquêtes judiciaires. Elles ont poussé à la démission de ministres, bourgmestres, administrateurs généraux. Elles ont débouché sur des changements de majorité et des révolutions internes au sein de partis. Elles ont contraint différents niveaux de pouvoir à changer les règlements, ou à enfin s’en doter. Elles ont fait bannir certaines pratiques, éclore de nouveaux mouvements citoyens et réorienter les travaux de commissions d’enquête parlementaires.

De quoi, en toute humilité mais en toute franchise, considérer que voilà un hebdomadaire dont l’impact est indéniable, sur son temps et sur tous les acteurs (du citoyen au gouvernant) de la société dans laquelle il vit. Et les critiques dont il est l’objet, depuis le menu fretin d’extrême droite jusqu’aux ayatollahs de l’intelligentsia de gauche, en sont révélatrices. Comme l’irritation que nous suscitons dans les rangs de la plupart des formations politiques.

Le Vif/Extra qui accompagne ce numéro, à l’occasion de nos 35 ans, en témoigne. Et nous rappelle que c’est grâce à vous. Merci pour ça aussi.

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