Lors de l'appel, les hommes sont amenés à se rassembler dans le garage "pompiers". Les sapeurs ont formé un rang, ils se tiennent droits face aux officiers et sous-officiers qui crient leurs noms à la volée. © Chavagne Mailys

24 heures avec les pompiers de Namur

Stagiaire Le Vif

À l’occasion de la journée internationale des pompiers, nous avons passé une journée aux côtés des sapeurs-pompiers de la caserne de Namur afin de partager un peu leur quotidien.

Situé à Jambes (Namur), le poste de Namur de la zone de secours de NAGE est l’un des centres des interventions de la province. Depuis la réforme, le secteur s’est en effet rassemblé en différentes zones : celle de NAGE est composée des pompiers de Namur, Andenne, Gembloux et Eghezée. Et si chacune de ces villes possède sa propre caserne, toutes répondent aux appels de la centrale pour agir dans l’entièreté de la zone : « les pompiers de Namur peuvent très bien intervenir jusqu’à Andenne ou Gembloux, avec le temps que ça leur prend pour arriver jusque-là bien sûr« , nous explique l’un des pompiers namurois.

Actuellement, on dénombre près de 18 000 pompiers au sein des zones de secours belges. Parmi eux, un millier d’ambulanciers non-pompiers et 65% de pompiers volontaires. Cette année, « les casernes de Belgique rechercheront un total de 673 nouveaux pompiers, dont 258 professionnels et 415 volontaires« , a annoncé ce jeudi le SPF Intérieur.

Chaque jour, tous ces hommes se dévouent à leur tâche : répondre aux urgences de la population. En mission, sur le terrain, ou durant leurs temps de pause, à la caserne, nous avons décidé de suivre l’équipe de pompiers de Namur pendant 24 heures. Compte-rendu de la journée.

07h45 – Vérification du matériel, réassortiment des véhicules

Un quart d’heure avant l’appel, les pompiers de service préparent leur tenue, contrôlent leurs véhicules… Le tout est de s’assurer qu’au moment de partir en mission, tout l’équipement soit conforme et fonctionne. « Le chauffeur de garde vérifie le mazout, il regarde s’il y a de l’eau dans la citerne. Les hommes qui s’installent à l’arrière du camion, eux, vont faire l’inventaire de l’équipement pour voir si tout s’y trouve« , explique l’un des sous-officiers de la caserne.

Ce tuyau ne sort jamais de sa palette, on raccorde deux autres tuyaux aux extrémités pour permettre au pompier d'aller plus au coeur de l'incendie.
Ce tuyau ne sort jamais de sa palette, on raccorde deux autres tuyaux aux extrémités pour permettre au pompier d’aller plus au coeur de l’incendie.© Chavagne Mailys

Pour rappel, une caserne possède sa propre hiérarchie composée de plusieurs pompiers de grades différents : les sapeurs-pompiers et le caporal forment les hommes du rang, le sergent et l’adjudant sont des sous-officiers et le capitaine et lieutenant sont les officiers de la caserne. Sur le terrain, on peut les repérer grâce à leur casque de couleur différente : des blancs phosphorescents pour les sapeurs, des jaunes pour les sous-officiers et des oranges pour les officiers.

08h00 – Appel et début du service

Lors de l’appel, les hommes sont amenés à se rassembler dans le garage « pompiers ». Les sapeurs ont formé un rang, ils se tiennent droits face aux officiers et sous-officiers qui crient leurs noms à la volée. Chaque pompier a son poste bien défini : chauffeur, ambulancier ou encore logistique, un tableau magnétique pendu dans un couloir de la caserne résume les tâches de tout le monde. Une fois l’appel terminé et le poste connu de tous, les hommes doivent aller récupérer la radio qui correspond à leur fonction.

Dans les casiers, les uniformes doivent être préparés : tout doit être à portée de main en cas d’urgence. « Il y a une veste, dans laquelle on a mis la radio, un casque, un surpantalon, des bottes de sécurité, un ceinturon si on doit travailler en hauteur, une hache s’il faut casser un plancher pour vérifier que le feu ne brûle pas en dessous, des gants et une cagoule qui protège de la chaleur et des particules nocives », explique le sous-officier qui nous accompagne.

Petite nouveauté : un costume à double-couche dont on peut retirer la partie supérieure contaminée par les fumées. « Quand on a fini sur la zone d’un incendie et qu’on a été dans les fumées, on appelle un véhicule, « le rehab », qui contient des costumes propres. On peut ainsi changer la partie supérieure de notre tenue« . Cette idée a été instaurée suite à la découverte de problèmes de santé chez de nombreux pompiers. Beaucoup ont en effet souffert de cancers à cause des dégagements de particules toxiques dans les fumées. Plus question à présent de remonter dans le camion avec des vêtements sales.

9h10 – Première intervention

Début de matinée et les pompiers namurois sont déjà appelés sur le terrain pour une première mission : une camionnette a heurté quelque chose sur une aire d’autoroute, perçant ainsi son réservoir d’où s’écoule une fine traînée d’hydrocarbure. Rien d’alarmant, mais il faut s’assurer que tout est en ordre afin d’éviter qu’un feu ne se déclare plus tard.

24 heures avec les pompiers de Namur
© Chavagne Mailys

Sirènes hurlantes, la voiture de l’officier zigzague entre les voitures à travers les rues de Namur. Il a pris de l’avance sur le camion de pompier afin d’évaluer la situation sur place et ainsi alerter les sapeurs sur ce qu’ils devront faire en arrivant. Cette fois-ci, fausse alerte : un dépanneur a déjà la situation bien en main, il a déposé de l’absorbant sur la traînée et se tient prêt à embarquer le véhicule endommagé. Avec sa radio, l’officier prévient alors la centrale qui, à son tour, se charge d’informer les sapeurs-pompiers. Retour au bercail.

10h30 – Mettre la main à la pâte

Dans l’attente d’un nouvel appel, les pompiers restent en stand-by à la caserne. Mais ils ne se tournent pas les pouces pour autant : qu’il s’agisse de nettoyer les tuyaux ou laver les camions, chacun a du travail à faire. Une salle de gym est également mise à la disposition des pompiers pour qu’ils puissent se maintenir en forme. Une manière pour eux d’évacuer la tension en soirée.

Photo salle de gym

Comme ils n’ont pas de cuisinier, certains sapeurs se sont rassemblés dans la salle à manger pour préparer leur dîner. Ce midi : boulettes sauce tomate et purée.

Pour ce qui est du matériel, certains pompiers doivent entretenir les tuyaux pour les débarrasser des particules toxiques déposées par les fumées. Une machine a spécialement été conçue pour cette tâche : grâce à des jets sous pression, l’appareil nettoie en cinq minutes le tuyau. Il vérifie aussi son étanchéité en le remplissant d’eau afin de voir s’il n’y a pas de fuite. Malgré la réforme et l’importance de l’hygiène des pompiers, le sapeur chargé de l’entretien des tuyaux ne porte pas de gants : « il faudrait t’en donner« , s’inquiète le sous-officier M.

De 12h00 à 14h00 – Repas et repos bien mérités pour les soldats du feu

À midi tapant, les hommes affamés se ruent vers la salle à manger : s’ils veulent tenir encore 20 heures, ils doivent reprendre des forces. Les sapeurs travaillent en effet durant une période de 24 heures. Ils dorment donc à la caserne, prêts à sortir en mission si un incendie se déclare pendant la nuit. Le lendemain, d’autres pompiers prendront la relève pour leur permettre de se reposer.

24 heures avec les pompiers de Namur
© Chavagne Mailys

Après le repas, les sapeurs profitent de leur temps de pause jusque 14h, à condition bien sûr qu’ils ne soient pas appelés en intervention. Billard, sieste ou bavardages dans les couloirs.

Même lors des missions, on peut remarquer que les pompiers sont assez blagueurs, malgré la tristesse et la dureté de la situation : « Ils sont du style à mettre un sapin de Noël dans le lit de l’officier. C’est parce qu’à un moment donné, il faut bien rire de quelque chose, sinon tu ne tiens pas deux ans avec des gens morts ou en morceaux. Ce n’est pas bien compris des gens. Quand on regarde de l’extérieur, notre humour peut sembler très noir, mais ça fait partie du détachement que les pompiers doivent avoir, sinon ils se suicideraient en rentrant chez eux. On a une vision très différente des choses, on prend beaucoup plus rapidement de la distance face aux personnes qui sont décédées, car on sait qu’on ne peut pas sauver tout le monde« , confie l’officier B.

13h10 – Intervention des ambulanciers

Pour les ambulanciers, en revanche, pas autant de liberté : l’alerte ne cesse de résonner dans le bâtiment. 80% des activités de la zone de secours de NAGE correspondent au travail des ambulanciers. Ce sont donc eux qui sortent sur le terrain le plus souvent. À peine les hommes ont-ils poser couteau et fourchette qu’ils sont appelés en intervention. Quatre alertes s’enchaînent, quatre ambulances démarrent : fait étonnant pour les ambulanciers de réserve qui ont rarement l’occasion d’intervenir.

À bord du quatrième départ, les deux ambulanciers s’attellent à leur train-train quotidien : contacter la centrale pour avoir plus de détails sur le cas dont ils s’occupent, écrire l’adresse dans le GPS si besoin, sortir les documents nécessaires au rapport de l’intervention et partir toutes sirènes hurlantes pour atteindre l’objectif le plus rapidement possible.

« Possibilité d’infarctus, le SMUR est déjà sur place« , la radio crachote les indications de la centrale. Pour ce type d’intervention, où la présence d’un médecin est nécessaire, les ambulanciers travaillent de concert avec une équipe du SMUR (un service mobile d’urgence et de réanimation). N’ayant pas suivi de formation en médecine, les ambulanciers n’ont pas le droit de donner un quelconque traitement aux patients, si ce n’est le strict minimum (dont notamment de l’oxygène ou encore des bandages).

24 heures avec les pompiers de Namur
© Chavagne Mailys

Arrivés sur les lieux de l’intervention, les deux ambulanciers sortent la chaise prévue au transport du patient : pour plus de facilité, ils embarquent le malade à l’arrière du véhicule pour mieux l’ausculter. Au bout de 10 minutes durant lesquelles les deux médecins et deux ambulanciers s’affairent autour de l’homme, le verdict est clair : encore une fausse alerte pour l’équipe des pompiers de Namur. Ils l’emmèneront malgré tout jusqu’à l’hôpital et le laisseront aux bons soins des médecins afin qu’ils puissent faire davantage d’analyses.

Sur la route de retour, les ambulanciers (et pompiers) signalent systématiquement à la centrale, grâce à la radio et leur pager, qu’ils sont disponibles pour prendre un nouveau cas. Ils ne doivent pas attendre très longtemps : une jeune fille fait une crise de tétanie dans une école du centre de Namur. Sans passer par la caserne, les ambulanciers redémarrent sur les chapeaux de roues.

14h20 – Exercices avec les nouveaux camions

Depuis la réforme, les camions de pompier sont devenus électroniques : un panneau de contrôle vient remplacer les boutons et vannes habituels. « Le métier de sapeur est de plus en plus technique, avec tous ces nouveaux instruments technologiques« , explique le sous-officier M. Il est donc nécessaire de s’entraîner à manipuler les nouveaux appareils afin d’être les plus performants possible sur le terrain. En attendant, les pompiers continuent d’utiliser leurs anciens camions.

Cet après-midi, les soldats du feu décident de sortir la grue, la nouvelle autopompe et un autre véhicule pour une phrase de tests. La grue impressionne et si l’on en croit les deux flaques d’eau et de mousse qui tapissent le sol, les nouvelles lances à incendie sont satisfaisantes.

15h06 – Deuxième intervention des pompiers

Concentrés sur leur exercice à l’extérieur, les hommes ne manquent pourtant pas d’entendre la nouvelle alerte : possible fuite de gaz, une voiture serait entrée en collision avec le boîtier. Animation dans le garage, il faut partir au plus vite.

L’officier est une fois encore le premier sur place. Cette fois-ci, pas question de le suivre sur le terrain, le risque d’explosion en cas de fuite de gaz est trop important. Casque orange sur la tête, l’officier B. s’approche du boîtier et creuse à mains nues pour vérifier si les raccords n’ont pas été endommagés.

L’infanterie débarque alors sur le terrain : couverts des pieds à la tête, les sapeurs ont des bonbonnes d’oxygène dans le dos pour éviter un possible empoisonnement. Avant d’intervenir, ils doivent toujours penser à se protéger : « il ne faut pas risquer sa vie pour sauver quelqu’un, car un pompier blessé ou mort est un pompier qui ne sert plus à rien« , explique le sous-officier M.

24 heures avec les pompiers de Namur
© Chavagne Mailys

La tension semble s’être apaisée, ce n’était pas une fuite de gaz. Cela n’empêche pourtant pas la maîtresse de maison de s’exprimer, les mains tremblantes, le rouge aux joues et les yeux mouillés par les larmes : « Cette maison est toute nouvelle, la précédente avait déjà brûlée dans un incendie. J’ai eu peur…« , sanglote-t-elle. L’officier rassure, les sapeurs repartent.

Si cette intervention est rapide, les pompiers n’ont pas toujours la chance de repartir tout de suite : « on a des interventions qui durent très longtemps… Par exemple, il est déjà arrivé qu’une fuite de gaz dure et on doit alors rester presque huit heures sur place. Ça devient long… Parfois, les conditions climatiques rendent les choses plus difficiles. Un jour, on s’occupait d’un incendie et il faisait tellement chaud dehors que les semelles des chaussures d’un pompier ont fondues avec la chaleur cumulée à celle de l’incendie. Humainement, on sent bien que les gars sont fatigués « , témoigne l’officier B.

Mais le plus difficile pour les pompiers, c’est l’implication d’enfants dans un accident ou un incendie : « Quand les parents arrivent en courant, ce n’est pas facile du tout« , confie le sous-officier M. « Ou quand on doit annoncer un décès… J’ai déjà eu le cas sur la nationale 4, où un couple qui revenait d’une soirée a eu un accident. Le conducteur a fait une embardée. Quand on arrive sur les lieux, lui n’avait rien du tout, il était hors de sa voiture. Mais la fille sur le siège passager est décédée. On entend le conducteur crier : « je l’ai tué, je l’ai tué » et en un sens, c’est vrai. Mais le vrai problème, c’est qu’il a commencé à contacter toute la famille, en expliquant que la fille ne va pas bien. Mais il ne précise jamais qu’elle est morte. Les personnes arrivent alors sur la N4 sans savoir que la fille est décédée. Ce n’est pas évident d’annoncer cela, surtout qu’ils s’attendaient à ce qu’elle soit blessée…« , continue l’officier B.

De 18h00 à 07h00 – Pompiers de garde, ambulanciers en service

En soirée, les appels diminuent. Les pompiers resteront à la caserne cette nuit en cas d’urgence, dans l’attente de la relève le lendemain. Cette nuit pourtant, pas d’alerte incendie, pas de fuite de gaz… Les pompiers peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Seuls les ambulanciers fourmillent encore entre les murs de la caserne.

L’un des cas les plus fréquents durant cette période sont les personnes sous l’emprise de la drogue, ou de l’alcool : « On fait du social aussi…« , explique l’un des ambulanciers, appelé sur le terrain par un homme qui dit avoir avalé sept cachets d’antidépresseur. Le patient est debout, il semble aller bien. « Les gens nous appellent, même si ce n’est pas urgent, car ils savent qu’ils ne devront pas payer tout de suite, contrairement au médecin de garde« .

07h15 – Dernière intervention des pompiers

À 07h00, une musique se déclenche afin de réveiller les derniers endormis : il est temps de reprendre du service et de ranger le matériel avant l’arrivée de la relève. « Au début, tu trouves la mélodie sympa, mais au bout de plusieurs jours… « , plaisante l’un des stagiaires de la caserne. Pas le temps pourtant de prendre un café que déjà l’alerte sonne. Heureusement que les pompiers peuvent emprunter des poteaux disséminés un peu partout dans la caserne pour descendre et arriver plus vite au garage.

Camion de pompier, camion-citerne, voiture de l’officier, camion balisage… La cavalerie est au complet pour cette mission : la centrale indique qu’un camion est en feu sur la voirie. Même la police est dépêchée sur les lieux de l’incident. Heureusement, il n’y a pas de quoi s’affoler : « pour ce type d’appel, c’est généralement un pneu crevé qui fait de la fumée« , explique l’officier B. Et il n’avait pas menti : aucune flamme ne s’échappe du camion arrêté sur la bande d’arrêt d’urgence.

24 heures avec les pompiers de Namur
© Chavagne Mailys

Néanmoins, il n’est pas question de faire demi-tour, il faut s’assurer que le pneu fumant ne se transforme pas en incendie. Les pompiers déroulent l’un des tuyaux de l’autopompe, dont la citerne a une capacité d’environ 5000 litres. Il n’en faudra pas autant pour arroser le pneu…

C’est sur cette note un peu mouillée que s’achève la journée de travail des sapeurs-pompiers de Namur. De retour à la caserne, d’autres pompiers sont déjà au garde-à-vous dans le garage pour l’appel. Ils devront ensuite faire l’inventaire des camions, remplir l’eau de la citerne de l’autopompe et vérifier le mazout… Le reste, vous le connaissez déjà.

Dans le cadre de ce reportage, un diaporama photos a été réalisé. Pour le visionner, vous pouvez cliquer sur ce lien : Portfolio : 24 heures avec les pompiers de Namur

Chavagne Mailys

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