Herman Matthijs

2016 est-elle une année budgétaire perdue?

Herman Matthijs Professeur en Finances publiques

Le gouvernement de centre droit a promis de s’attaquer en priorité aux finances publiques. Que s’est-il passé en 2016 en matière de dette et de déficit budgétaire ? Le professeur en finances publiques Herman Matthijs fait le point sur l’année budgétaire.

Le déficit

Si le gouvernement Michel a réussi à maintenir le déficit sous les 3% du PIB (produit intérieur brut), il n’a pas réalisé la course promise à l’équilibre, car au moins 2,5% des 2,8% de déficit sont un problème fédéral. La coalition fédérale suédoise avait déjà mal commencé en appliquant des mesures de « râpe à fromage ». Structurellement, cette tactique ne résout rien et elle retarde les choix. Aux Pays-Bas, le parti libéral (VVD) et le parti travailliste (PvdA) ont mené une politique de choix budgétaires structurels et le résultat est à la hauteur : le cabinet Rutte-Dijsselbloem a réduit le déficit budgétaire de 28 milliards à 3,3 milliards, soit 0,5% du PIB.

Comparé au précédent gouvernement Di Rupo, le gouvernement Michel a tout de même marqué une rupture : les dépenses baissent (- 1,9% du PIB) et les recettes (- 1,1%) aussi. Du coup, la part des services publics diminue, mais s’élève toujours à 53% du PIB. (À titre de comparaison, aux Pays-Bas, c’est 47%). Là aussi, le gouvernement Michel a encore du pain sur la planche, car avec une part de services publics aussi élevée, on ne peut pas dire qu’il est impossible de faire des économies.

En outre, il y a certainement encore une série de dossiers à résoudre d’ici le prochain contrôle budgétaire. Il s’agit premièrement de mesures qui doivent encore réduire le déficit, ce qui peut être partiellement résolu grâce à une croissance plus élevée. Deuxièmement, la réforme de l’impôt sur les sociétés est vraiment nécessaire pour garder les entreprises ici et attirer de nouveaux investissements. Cette taxe rapporte environ 14 milliards d’euros (En Flandre : 7,8 milliards, Wallonie : 2,2 milliards, Région bruxelloise : 4 milliards). Troisièmement, l’élargissement de l’exonération fiscale est sur la table. Outre ces dossiers de la N-VA et de l’Open VLD, le CD&V plaide en faveur d’un système fiscal plus équitable. Reste à voir s’il n’aurait pas mieux valu décider au début de ce gouvernement de ces dossiers, car à mi-chemin de la législature, il devient plus difficile de prendre de grandes décisions. Et puis il y a Arco et l’indemnité des coopérants qui ont perdu leur argent. Comment va-t-on financer un tel accord éventuel ?

Perceptions

Ces derniers mois, on a beaucoup parlé des recettes décevantes. Celles-ci découlent en partie du taux d’intérêt faible qui décourage les gens à faire des paiements anticipés. Or, la complexité du droit fiscal, le nombre élevé de procédures et le manque de stabilité financière ne bénéficient pas aux perceptions. Ce sont là tous des problèmes de longue date que la politique n’a jamais résolus. En outre, le fonctionnement extrêmement compliqué de la loi spéciale de financement joue des tours au SPF Finances. Finalement, il y a la vieille astuce des recettes surestimées et les dépenses sous-estimées.

Il faut dire que les méthodes d’estimation sont très techniques et complexes. Pour vous donner une idée, voici un extrait d’un exposé général du budget : « Comme le Budget des Voies et Moyens est basé sur le concept de caisse, les recettes fiscales prévues en base SEC sont ensuite transformées en base caisse, par des ‘corrections caisse’ qui sont le symétrique des anciennes ‘corrections SEC’, et ce afin de pouvoir estimer et présenter les recettes ‘Voies et Moyens’ en base caisse. » Une question simple: combien de personnes dans ce pays comprennent cette phrase?

Dette

La dette publique se situe autour de 107% du PIB et reste un problème financier énorme, car les taux d’intérêt en hausse vont remettre ce dossier sur la table. Pour 2017, les charges d’intérêts fédéraux sont estimées à un peu plus de 9 milliards d’euros. La plus grande partie de la dette publique belge demeure une affaire fédérale (92% de 423 milliards au total). Cette dette ne peut que baisser en cas d’équilibre budgétaire ou d’excédent. Mais aucune de ces conditions ne se réalisera durant cette législature. Reste la vente des actifs publics : les postes, Proximus, les banques dans lesquelles l’état a des actions. L’état pourrait vendre ses actions belges chez BNP où de toute façon il n’a rien à dire. Les bénéfices peuvent alors être utilisés pour réduire la dette. Étonnamment, cette coalition de centre droit n’a pas encore réalisé de dossier de privatisation.

Excuses

Le gouvernement a toutefois un certain nombre de facteurs externes contre lui, sur lesquels il n’a pas d’emprise immédiate. Florilège : le non-fonctionnement de la zone euro, les règles budgétaires néfastes de l’Union européenne en matière d’investissements publics, les coûts d’asile et de migration, le terrorisme… Cependant, 2016 n’est pas l’année de l’intégration européenne et 2017 sera certainement l’année de l’immobilité européenne. C’est pourquoi je crains que ces problèmes restent non résolus en 2017.

Conclusion

L’année 2016 n’entrera certainement dans les manuels d’histoire pour ses grands succès budgétaires, mais on peut citer des excuses externes. La division de cette coalition sur les mesures à prendre est un autre problème, et c’est là une donnée purement politique. Socioéconomiquement, la ligne de séparation se situe entre le duo N-VA et Open VLD d’un côté et le MR et le CD&V de l’autre. Or, la bonne entente entre MR et le CD&V tient-elle toujours depuis le clash lors de la dernière confection du budget ? Elle n’a pas eu l’air de beaucoup plaire au MR.

À cela s’ajoute que ces dernières semaines il y a eu une série de nouvelles évolutions telles que la hausse des taux d’intérêt, le dollar qui monte, la pagaille bancaire italienne et le fait que l’agence de notation financière Fitch a baissé la note de crédit de la Belgique à AA-. Le moins que l’on puisse dire, c’est ce que ce n’est pas une bonne nouvelle pour le budget. 2017 sera-t-elle l’année où, pour la première fois au 21e siècle, on prendra de véritables mesures budgétaires structurelles ?

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