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2012 : l’année de tous les chantiers

Rénovation en profondeur des routes, activation de nombreux chantiers, protection des agriculteurs, Carlo Di Antonio, le nouveau ministre wallon des Travaux publics, veut passer à la vitesse supérieure. Ses priorités en exclusivité.

Perex, c’est fini ! C’est ce qu’a décidé le nouveau ministre des Travaux publics wallon, Carlo Di Antonio (CDH). Il ne s’agit pas de supprimer le centre d’information routière établi à Daussoulx (Namur), mais bien de le rebaptiser. « Qui sait ce que veut dire Perex ? » demande le ministre. Perex (pour « permanence d’exploitation » !) devra donc porter un nom plus évocateur, « Centre Inforoute » ou quelque chose du genre. Acteur clé du concept de « routes intelligentes » qui a convaincu Carlo Di Antonio, manifestement familier des technologies nouvelles, ce centre devra rendre publiques toutes les infos qu’il collationne grâce aux caméras, aux boucles de comptage, aux stations-météo, etc., de façon que puissent être développées toutes les applications imaginables sur iPhone ou Androïd, et que les conducteurs, même slovaques ou espagnols, puissent être prévenus bien à l’avance d’un problème et, donc, réorienter leur route. « Le matériel ne cesse de s’améliorer, poursuit-il, ce qui rendrait complètement désuète une radio FM dédicacée à la mobilité. » « Autoroute FM », dont la création avait été annoncée par son prédécesseur Benoît Lutgen il y a déjà longtemps, ne verra donc jamais le jour.

En tout cas, les infos routières seront plus que jamais nécessaires pour guider les flux de circulation entre les nombreux chantiers annoncés. « Effectivement, l’année 2012 sera l’année de tous les chantiers, mais ce ne sera pas pour autant l’année catastrophe annoncée par certains. Nous nous efforcerons de ne pas entreprendre en même temps tous les travaux dans une même région, et nous privilégierons les chantiers de nuit et de week-end. » Le Plan routes lancé par Benoît Lutgen sera donc intégralement suivi. Il a établi le calendrier sur quatre ans des 575 travaux jugés prioritaires sur les autoroutes et routes à quatre bandes. Une centaine de chantiers ont déjà été réalisés en 2011 (pour 160 millions d’euros), et ils seront encore plus nombreux en 2012, qui verra la fin de la modernisation des trente viaducs jugés à risque (il n’y en a plus que six). Le but est de rénover en profondeur le réseau longtemps délaissé, avec priorité à la sécurité. « En assurant tout particulièrement la sécurité sur ces chantiers, poursuit le ministre : je veillerai, en concertation avec la police, à ce que des contrôles radar soient effectués à l’approche des chantiers pour faire respecter les limitations de vitesse : 70 km/h, c’est 70 km/h ! »

L’année sera également marquée par la mise à trois voies de l’autoroute de Wallonie entre Sambreville et Andenne. « C’est la seule section qui ne l’est pas encore, explique Carlo Di Antonio. C’était une condition imposée par la Banque européenne d’investissement (BEI) pour intervenir (via un prêt de 250 millions) dans le financement du Plan routes. Mais après tout cela, nous serons tranquilles pour vingt ans ! » Et l’interdiction pour les camions de circuler le week-end, étudiée par Benoît Lutgen ? « Ce qui est transporté le dimanche ne l’est pas en semaine. Mais l’évidence, c’est de faire basculer le transport vers la voie ferrée – cela ne se présente pas trop bien pour l’instant en Belgique – et aussi vers les voies navigables. Nous sommes engagés dans un bras de fer avec la France pour la réhabilitation du canal Condé-Pommer£ul, envasé dans son tracé français. Ce tronçon est vital : il branche le futur canal à grand gabarit Seine-Escaut (Paris-Anvers) sur une liaison Seine-Meuse (Paris-Liège). » Et branche la Wallonie sur Dunkerque et Le Havre.

Ministre de l’Agriculture

Carlo Di Antonio est aussi le ministre de l’Agriculture, une compétence qui sera totalement régionalisée au terme de la réforme de l’Etat enclenchée. « Mes priorités, dit-il, ce sera, d’une part, d’encourager le lien, vital, entre le consommateur et l’agriculteur, et d’autre part de favoriser la reprise ou la transmission des exploitations. » Entre 2005 et 2010, pas moins de 3 452 de celles-ci ont en effet disparu en Wallonie (pour 6 975 en Flandre). Sans faire de vagues, ce sont autant de PME qui ont mis la clé sous le paillasson. « Les enfants ont de plus en plus de mal à reprendre l’exploitation familiale, ses réserves foncières et ses coûteux équipements, analyse le ministre, d’autant que les banques sont plutôt frileuses. » A fortiori, encore moins de possibilité pour un jeune qui ne serait pas du sérail. « Est-il normal qu’un jeune passionné par l’agriculture ne puisse pas s’installer ? Demande-t-on à celui qui veut devenir pompier d’acheter d’abord son camion ? Lorsque j’étais étudiant ingénieur-agronome, se souvient-il, nous en plaisantions entre nous : la seule solution pour celui qui aurait voulu s’installer, c’était d’épouser la fille du fermier ! »

Il faut donc trouver des solutions. Peut-être rendre impossible la remise des terres et des installations à ceux qui n’ont pas l’intention d’être agriculteurs, aux nantis qui ne souhaitent rien d’autre qu’un cadre accueillant pour eux, leurs chiens, leurs 4×4 et leurs chevaux ? Mais il faut en même temps respecter la propriété privée, et ne pas perdre de vue l’intérêt légitime de l’agriculteur qui compte sur la vente pour s’assurer les moyens de sa vieillesse. On pourrait peut-être imaginer l’achat des exploitations par les pouvoirs publics.

L’autre axe, c’est la promotion d’une agriculture de proximité, des circuits courts, de la vente directe à la ferme du lait, des fromages, de la viande, des salaisons… Il faut convaincre par l’exemple, en persuadant le parlement wallon, l’administration, les cabinets ministériels (les produits bio sont bien présents dans celui du ministre) d’accorder la priorité aux aliments de chez nous, de saison. Des produits de qualité, si possible bio. « Les agriculteurs sont de plus en plus persuadés de cela, et doivent convaincre les gens que leurs produits sont supérieurs, en goût et pour la santé, affirme le ministre. Mais je vais sans doute pousser un coup de gueule contre l’Afsca [NDLR : Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire] qui, avec ses contrôles excessifs et tatillons, dissuade les agriculteurs d’investir dans cette direction. Si l’Afsca venait chez vous, vous ne pourriez plus rien faire dans votre cuisine… »

MICHEL DELWICHE

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