Maison communale de Schaerbeek © googlemap

2 juin 1976 : la bataille des guichets se termine à Schaerbeek

Le Vif

Coup de tonnerre à la maison communale ! A l’aube, un commissaire spécial envoyé par le gouvernement débarque à Schaerbeek. En force, il entre dans le bâtiment et ordonne le retrait de panneaux d’affichage. Depuis des mois, ceux-ci sont au coeur d’une polémique locale, devenue nationale. Tout ça pour une histoire de… langues ! Surprenant ? Pas vraiment. Car en Belgique, rien n’échappe au linguistique.

Tout commence par une loi. La législation linguistique de 1963 impose le bilinguisme aux services administratifs bruxellois. Mais la loi ne plaît pas à tout le monde. En 1975, le bourgmestre FDF de Schaerbeek remplace les guichets bilingues du service de la population par des guichets unilingues. Quatre guichets sont prévus à l’attention des francophones, deux pour les habitants d’origine étrangère et un seul pour les Flamands… Plus pratique, cette manière de faire correspondrait mieux aux réalités démographiques et aux besoins des administrés, justifie Roger Nols. Peut-être. Mais elle est en contradiction avec la loi. En mars 1976, le Conseil d’Etat se penche sur l’affaire. Pour lui, la nouvelle organisation modifie « la position des administrés vis-à-vis de l’administration ». En clair : le bourgmestre doit faire marche arrière.

C’est le début d’une bataille. Alors que d’autres collèges communaux sont sur le point de suivre l’exemple de Nols, les mouvements flamingants dénoncent violemment la pratique. « Nols, toepast de wet  » (Nols, applique la loi), lit-on sur des affiches qui fleurissent dans la commune. De l’extérieur, l’affaire paraît ridicule. « The « opera-bouffe » of the Schaerbeeck guichets continues« , commente l’ambassadeur britannique en poste à Bruxelles. L’affaire est pourtant sérieuse, au point même de menacer la stabilité du gouvernement. A deux reprises, le ministre de l’Intérieur adresse une sommation au bourgmestre. Mais Nols y demeure sourd. Le 25 mai 1976, quelques milliers de personnes battent le pavé communal pour lui manifester leur soutien. Au même moment, le gouvernement passe à la vitesse supérieure. Il charge Walter Ganshof van der Meersch, procureur général honoraire à la Cour de cassation, de démêler le noeud schaerbeekois.

Le 1er juin, Ganshof se rend une première fois à l’hôtel communal. Simple visite « de courtoisie » afin de prendre connaissance de la situation. Le coup de théâtre n’a lieu que le lendemain. Le 2 juin, vers 4h45, l’homme est de retour, accompagné d’une trentaine de véhicules de la gendarmerie. Après avoir fait fracturer la porte, il pénètre dans la salle des guichets. Les panneaux litigieux sont retirés à coup de pieds-de-biche et le matériel est saisi.

« Ce sont des procédés qui rappellent des évènements douloureux d’une période que l’on croyait à jamais révolue », réagit Nols. L’homme doit pourtant s’incliner. Une victoire de la Flandre ? Pas entièrement. Au même moment, le gouvernement apporte satisfaction aux francophones dans le dossier des cadres de la CGER. Une autre affaire… linguistique.

Vincent Delcorps

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