© Agence Meurisse/Gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France

14-18: Elisabeth et la guerre en musique

Durant le conflit, la reine Elisabeth conserve sa passion pour la musique et elle la propage. Jusque dans les hôpitaux et les tranchées. Avec les grands musiciens belges d’alors.

Par Alain Findling

En août 1914, l’Allemagne envahit le territoire. La Belgique n’est plus qu’un lambeau de quelque 1 000 km2 coincé entre Nieuport et La Panne. Le gouvernement au complet s’est embarqué à Ostende pour Le Havre et La Panne devient la capitale militaire et culturelle de Belgique. La famille royale et une partie de l’état-major de l’armée s’y sont réfugiés.

Sous l’impulsion de la reine Elisabeth, toute une activité culturelle et de nombreux concerts s’organisent pour soutenir le moral des troupes et sauvegarder un minimum de vie musicale. Diverses résidences, dont celle de la souveraine et l’hôtel L’Océan devenu hôpital militaire accueillent des musiciens. L’Océan se mue en un véritable espace de représentation. Une salle y est aménagée pour l’accueil de concerts: 38 y sont organisés entre décembre 1917 et juillet 1918, alors que les bombardements allemands se sont intensifiés et menacent à plusieurs reprises la sécurité des bâtiments.

En septembre 1915, Edouard Deru, qu’Elisabeth a nommé « violoniste du roi et de la reine » en 1910, donne une série de récitals sur le front. Dont un à six kilomètres des tranchées allemandes: 4 000 soldats sont présents, dans l’obscurité. A l’issue du concert, toute l’assemblée chante et se joint au petit orchestre militaire qui exécute La Brabançonne et les hymnes nationaux des Alliés. Deru parcourt les salles des hôpitaux et joue dans les chambres des blessés.

Le 16 juin 1916, Eugène Ysaÿe, réfugié en Angleterre revient à La Panne avec son frère Théo pour une visite de plusieurs semaines, à l’instigation de la Reine. Ils sont accompagnés par l’altiste anglais Lionel Tertis, l’un des meilleurs de son temps, et le violoncelliste Emile Doehaerd. Elisabeth et Albert les reçoivent dans leur résidence: les visiteurs y interprètent des quatuors avec piano de Fauré et de Brahms.

La reine est présente à presque tous les concerts de cette tournée, son appareil photographique en bandoulière. Les musiciens parcourent tranchées et cantonnements, Ysaÿe à leur tête. Le grand violoniste liégeois interprète Mozart et les grandes oeuvres classiques. Avant les concerts, il s’adresse aux soldats pour expliquer ses choix musicaux: « Que chacun se rassure. Ce que j’interpréterai, c’est tout simplement la musique, sans aucun adjectif. Aussi je veux jouer pour vous ce qui est beau parce que je vous respecte et je vous aime. »

Différents groupes musicaux militaires s’organisent alors, les musiciens de talent engagés dans l’armée ne manquant pas. Second chef de l’orchestre du Théâtre de la Monnaie, Corneil de Thoran dirige un groupe au château de Wulverenghem: il le baptise « L’Orchestre de la Reine ». La formation comprend jusqu’à 119 musiciens, tous lauréats des conservatoires du Royaume. L’orchestre est baptisé le 14 décembre 1917 à la Panne, en présence d’Elisabeth. La Symphonie en ré mineur de César Franck est au programme. L’orchestre donnera en 1918 plus dix concerts. Une véritable saison musicale ! En pleine guerre.

L’intégralité du récit dans Le Vif/L’Express de cette semaine

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire