Au moment de la faillite de Truvo © PG

125 anciens employés des Pages d’Or attaquent leurs ex-dirigeants en justice

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Deux ans après la faillite de Truvo, éditeur des Pages d’Or, 125 anciens employés ont décidé de poursuivre leurs ex-dirigeants en justice. Ils leur reprochent d’avoir menti sur la situation financière de l’entreprise et d’avoir simulé une faillite dans le but de permettre au repreneur de ne pas avoir à payer les préavis du personnel non repris.

Ils sont 125. Des francophones, des néerlandophones. Certains avaient à peine deux ans d’ancienneté, d’autres plus d’une trentaine d’années. Certains sont motivés par la rancoeur et la colère, d’autres par des perspectives financières. Mais tous partagent un point commun : la détermination. Intacte, même après de deux ans.

Ils sont 125 anciens employés de Truvo, l’éditeur des Pages d’Or qui avait été déclaré en faillite en juin 2016. Et ils attaquent en justice leur ex employeur. Leur avocat, Kristiaan Caluwaerts, vient d’intenter une action au civil devant le tribunal de commerce d’Anvers contre les anciens dirigeants de l’entreprise, Donat Rétif et Timothy Stephenson. Ceux-ci auraient commis de « nombreuses erreurs administratives graves » les mois précédant la faillite, « en violation des réglementations du travail belge et européenne ». Une action au pénal n’est pas exclue.

Cela fait deux ans, donc, que ces 125 anciens employés préparent cette action. La banqueroute de Truvo, annoncée le 28 juin 2016, les avait d’emblée écoeuré. Pas seulement parce qu’ils faisaient partie des 220 personnes sur le carreau (310 travailleurs avaient, eux, été réembauchés par le repreneur estonien, FCR Media). Surtout à cause de cette désagréable impression d’une faillite orchestrée de toute pièce, dans l’unique but de se débarrasser d’eux sans rien débourser.

La santé financière de Truvo n’était certes pas folichonne. Deux précédentes restructurations (2010 et 2015), des dettes par millions, un virage numérique mal négocié. Mais, en 2015, la firme anversoise avait annoncé dans la presse « voir enfin le bout du tunnel ». Puis, un an plus tard, cette faillite. Présentée par les dirigeants comme un choc, une surprise. Un procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration datant de mars 2016 semble montrer pourtant que la reprise par FCR Media était organisée de longue date, via une procédure « prepack » (un arrangement préalable qui vise à préparer en détails la cession d’une entreprise qui va faire faillite, afin de permettre le redémarrage rapide des activités reprises).

Les 125 reprochent aux anciens dirigeants d’avoir menti sur la situation financière de l’entreprise pour solliciter une mise en faillite, en déclarant que les créanciers n’avaient plus confiance et que les ressources financières propres étaient insuffisantes pour poursuivre l’activité, alors qu’ils affirmaient exactement le contraire dans les derniers comptes annuels.

Surtout, dans un arrêt datant de juin 2017 portant sur une affaire similaire survenue aux Pays-Bas, la Cour européenne de justice a estimé que cette procédure de « prepack cession » n’autorisait pas à contourner les lois protégeant les travailleurs en cas de transfert d’entreprise. En d’autres termes, le repreneur aurait donc dû soit conserver tout le personnel, soit le licencier pour des raisons économiques ou d’organisation. Donc en respectant les procédures en vigueur. Donc en payant les préavis.

Les 125 espèrent évidemment que cet arrêt européen fera jurisprudence et qu’ils pourront toucher leurs préavis. Voilà pour la motivation pécuniaire. Beaucoup poursuivent aussi un combat éthique : que la loi sur les faillites ne puisse plus être détournée au détriment des travailleurs. Des citations à comparaître ont été envoyées aux anciens dirigeants, qui ont répondu en substance qu’ils n’avaient rien à se reprocher. Le combat judiciaire sera probablement long. Les 125 s’y attendent et alimentent un compte pour faire face aux frais de justice. Pas un seul versement n’est encore arrivé en retard. Détermination.

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