Voiture et cinéma: les meilleurs films de bagnole

Bien sûr, il existe un abîme entre Bullit et Taxi, qualitativement parlant. Mais ces 2 succès populaires ont en commun -outre d’avoir pour acteur vedette un cogneur dans la vie réelle- de placer une voiture au centre d’attention. Un nombre considérable de films l’ont fait, et s’en sont rarement plaints par la suite. Car le public masculin (surtout), qu’il soit jeune ou moins jeune, a toujours professé pour la bagnole une fascination certaine. Nous ne disserterons pas ici sur l’importance, plus ou moins déterminante par ailleurs, de sa qualité de substitut phallique… Mais force est de reconnaître que ni le train, pourtant cinématographique en diable, ni l’avion, ni… le vélo, n’ont inspiré le 7e art d’une si copieuse et belle manière. La moto a bien fait son petit possible, conduite par Marlon Brando, Dennis Hopper ou Arnold Schwarzenegger. Mais il lui manquait 2 roues supplémentaires pour voir s’ouvrir à elle la voie royale que le cinéma réserve à la voiture.

Pied au plancher

Le cinéma d’action fut bien sûr le premier à tirer un parti optimal de l’automobile et de son potentiel le plus à même de captiver le public: la vitesse. The Fast And The Furious, titre d’un succès de 2001 dans la roue duquel 4 suites ont déjà été produites, sonne comme un programme. Rapide et furieux! Avec des héros jeunes, intrépides et beaux, défiant la mort au volant comme le faisaient déjà leurs lointains modèles de Rebel Without A Cause, avec ses « chicken runs » où il s’agit d’être le dernier à freiner, à changer de trajectoire, au risque d’y laisser la vie. James Dean, sublime héros de ce film de 1955 signé Nicholas Ray, se tuant lui-même au volant de sa Porsche 550 Spyder, en septembre de la même année… En 1996, cet accident fera l’objet d’une recréation morbide et fétichiste dans le formidable Crash de David Cronenberg, adapté du non moins extraordinaire roman de J.G. Ballard. Aucun film sans doute n’est allé si loin dans l’exploration des rapports organiques entre excitation automobile et désir érotique, entre blessures du métal et béances sensuelles. Une plongée fascinante autant qu’inconfortable dans un imaginaire halluciné. David Lynch, dans le somptueux et très inquiétant Lost Highway, a poussé lui aussi les choses assez loin sur la voie fantasmatique, où les rapports avec la voiture, la route et ses périls, prennent une dimension quasi métaphysique.

Le début des années 70 avait vu fleurir quelques premiers exemples d’oeuvres personnelles et singulières, associant trajet en voiture et quête de sens, voire interrogation sur soi et la société. Ainsi le très singulier Two-Lane Blacktop (1971) de Monte Hellman, sorte de réponse automobile au fulgurant Easy Rider de Dennis Hopper, réalisé 2 ans auparavant. Ou le non moins surprenant Vanishing Point (1971, lui aussi) de Richard C. Sarafian, autre road movie où un homme convoie une Dodge Challenger de Denver à San Francisco avec la police aux trousses, et le temps de réfléchir à la meilleure façon de mener sa vie… ou de la finir.

De la poursuite dans les idées

Nourrie d’interrogations existentielles où peuvent aussi se lire l’émergence de la contre-culture (les héritiers de la « beat generation » ne marchent plus, ils roulent!) et la mort du genre westernien, cette longue course-poursuite énonce une figure qui marquera la décennie. Bullitt (1968) avait donné le ton avec son incroyable poursuite à San Francisco et dans ses alentours, Steve McQueen conduisant lui-même la mythique Mustang du film. The French Connection (1971) offrait dans la foulée, à New York cette fois, une fantastique poursuite policière mettant en scène voitures et… métro. Un morceau de bravoure que son réalisateur, William Friedkin, allait vouloir concurrencer -non sans succès- 14 ans plus tard dans To Live And Die In L.A.

C’est Mack Sennett, dès les années 1910, qui fit de la poursuite automobile une forme excitante et populaire de l’americana. Ses Keystone Cops, flics lancés aux trousses de bandits (ou supposés tels) dans des courses échevelées, ont donné le ton. L’apparition des tractions avant, leur usage par la pègre, infiltrant ensuite le genre du film de gangsters (le premier Scarface) et ensuite le film « noir » des années 40 et 50 où les scènes de fuite en voiture abondent. La plus émouvante étant probablement celle qui clôt The Asphalt Jungle (1950) de John Huston, et voit la fin tragique du gangster malchanceux incarné par Sterling Hayden.

Les courses poursuites ont engendré des scènes d’anthologie dans de nombreux films à résonance criminelle, parfois poussée jusqu’aux limites du fantastique (Duel de Spielberg, en 1971) ou colorées d’humour (The Sugarland Express, du même, en 1974, où la police suit le couple de fuyards… au ralenti). Elles ont survitaminé des films comme l’épatant Dirty Mary, Crazy Larry (John Hough, 1974), le très plaisant Smokey And The Bandit (Hal Needham, 1977), l’excitant The Italian Job (Peter Collinson, 1969) avec sa poursuite entre Minis Cooper, ou le méconnu mais épatant Gone In 60 Seconds, réalisé au milieu des années 70 par Henry Blight Halicki. Sans parler des films de James Bond, parmi lesquels Goldfinger présente sans doute la plus spectaculaire séquence de ce type.

Les films abordant le domaine de la course organisée, sur circuit ou sur route, ont bien plus rarement -et paradoxalement- atteint le niveau espéré. Le Mans (Lee H. Katsin -1971, année décidément faste!) est l’un des meilleurs, avec Steve McQueen pilotant une Porsche 917. James Garner et Yves Montand rivalisent de leur côté au volant de Formule 1 dans Grand Prix (John Frankenheimer, 1966), et Tom Cruise participe au championnat NASCAR dans Days Of Thunder (Tony Scott, 1990). On lui préférera les délires de Death Race 2000 (1975) où Paul Bartel imagine une course intercontinentale futuriste où tous les coups sont permis… Un autre futur post-apocalyptique accueille les aventures de Mad Max (George Miller, 1979), dans une Australie où l’on se dispute bestialement la moindre goutte de carburant. Qu’on est loin, ici, de la nostalgie d’un American Graffiti (George Lucas, 1973), ou de la course burlesque de Cannonball (Hal Needham, 1981)!

Une voiture ne doit pas forcément rouler vite pour faire du bon cinéma. Il peut lui suffire de trôner dans un garage ( Gran Torino de Clint Eastwood, 2008), de tomber en morceaux ou de contenir drogue et diamants (Le Corniaud de Gérard Oury, 1964), de se transformer en robot géant (Transformers de Michael Bay, 2007), en machine à voyager dans le temps (Back To The Future de Robert Zemeckis, 1985), ou de faire rêver un créateur génial (Tucker: The Man And His Dream de Francis Coppola, 1988). Et même de donner un nouveau sens au mot Coupé en se voyant tronçonnée en 2 par une scie circulaire dans l’hilarant Busy Bodies (1933) avec Laurel et Hardy! A moins qu’elle ne soit dotée d’une personnalité et d’une volonté propre comme Christine (John Carpenter, 1983) et la célébrissime Coccinelle de la série à succès Herbie

Louis Danvers

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