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Salon : grosses cylindrées, le régime 5 étoiles

Les voitures de prestige, des mastodontes anti-écologiques? Si dans l’absolu, les modèles les plus luxueux ou sportifs nécessitent effectivement davantage d’énergie pour se mouvoir que les simples petites citadines, les constructeurs mettent toutefois leurs divas au régime !

Certes, ni l’empreinte écologique ni la consommation moyenne ne constituent des motivations majeures dans le choix d’un véhicule haut de gamme. Et pourtant les constructeurs sont les premiers à tempérer une consommation excessive, même dans ce créneau. Ceci, car, progressivement, l’Union européenne instaure des moyennes d’émissions de CO2 limites qui s’appliquent à l’ensemble de la gamme des constructeurs. Pour baisser la moyenne, il leur faut donc impérativement réduire l’émission des modèles les plus gourmands.

Par ailleurs, les modèles haut de gamme sont de réelles vitrines technologiques. Ceci est d’autant plus vrai que, contrairement à un modèle traditionnel, leur prix de vente ne constitue pas toujours un frein à leur succès…

Tour d’horizon des différentes solutions envisagées :

« Downsizing »

La tendance au « downsizing », soit l’abaissement de la cylindrée tout en maintenant des prestations identiques, s’applique aussi aux modèles haut de gamme. D’ailleurs, Mercedes multiplie les premières expériences du genre en généralisant l’implantation de son moteur diesel 2.2l quatre cylindres dans ses plus grands modèles (Classe S, CLS, ML…). De nombreux autres constructeurs lui emboîtent d’ailleurs déjà le pas. Ainsi, BMW vient de remplacer, par exemple, deux de ses six cylindres en ligne (23i et 30i) par des quatre cylindres turbo (20i et 28i) dans sa gamme Z4. Bentley développe, de son côté, un « petit » V8 pour étoffer sa gamme Continental jusqu’ici exclusivement animée par un douze cylindres.

Modèle emblématique de ce « downsizing », la Mercedes S250 CDI constitue l’unique limousine haut de gamme animée par un moteur à quatre cylindres. Développant 204 cv, ce 2.2l diesel remplace le précédent V6 3.0l de 211/235 cv. Grâce à sa double suralimentation, le 2.2l fournit néanmoins un couple aussi généreux que celui de son prédécesseur (500 Nm). A l’usage, les performances restent souveraines (0 à 100 km/h en 8,2 s et 240 km/h en pointe) et l’agrément de conduite largement convaincant. A froid, ou lors de puissantes relances, on peut ressentir néanmoins un peu plus de vibrations qu’avec les mécaniques à six cylindres naturellement mieux équilibrées. Par contre, la consommation en utilisation réelle est particulièrement convaincante avec une moyenne relevée oscillant autour des 7 l/100 km (l’homologation officielle annonce 5,7 l/100 km).

Les moteurs électriques en renfort

Avec les mécaniques hybrides, les constructeurs peuvent répondre à un double cahier de charges : d’une part, conserver un potentiel sportif digne d’un véhicule premium, et d’autre part afficher des consommations moyennes officielles relativement faibles. Modèle emblématique du genre, la nouvelle supersportive signée Porsche : la 918 qui réunit un V8 essence et des moteurs électriques. Pour maintenir des performances dignes de son rang, la sportive allemande peut effectivement compter sur deux moteurs électriques délivrant conjointement un peu plus de 200 cv. La 918 peut donc se contenter de son V8 thermique de 500 cv, là où sa devancière (la Carrera GT) nécessitait un moteur V10 de 612 cv pour des performances quasi similaires. Lorsque les moteurs électriques viennent en renfort, la 918 Spyder peut atteindre la barre des 100 km/h en seulement 3,8 s et rouler à une vitesse de pointe de 320 km/h.

Lorsque l’on adopte un style de conduite moins « sportif », la 918 Spyder se plie à une consommation étonnement basse ! En théorie, la moyenne de consommation s’élève à seulement 3 l d’essence aux 100 km. Ceci pour des émissions de CO2 de seulement 70 g/km ! La Carrera GT nécessitait, elle, en moyenne… 17,9 l pour parcourir 100 km (429 g de CO2/km) !

Le plaisir sans CO² ?

L’obstacle principal à la généralisation des voitures électriques étant toujours le prix prohibitif des batteries, les modèles haut de gamme se profilent aujourd’hui davantage comme des laboratoires idéaux pour la technique du futur proche… Ainsi Rolls-Royce étudie, par exemple, la possibilité de proposer une version 100 % électrique de sa démesurée Phantom. Dans cette variante prototype baptisée 102 EX, la luxueuse britannique a troqué son V12 essence contre deux moteurs électriques développant un total de 800 Nm. Les batteries – pesant 640 kg – offrent une autonomie de près de 200 km.

En dehors des confortables limousines, les sportives, elles aussi, pourraient s’en remettre à la fée électricité. Les visionnaires de Tesla proposent d’ailleurs un roadster sportif depuis 2008. Devenu emblématique du renouveau de la voiture électrique, ce modèle sera bientôt suivi – dès le début de l’année prochaine – par un coupé quatre places baptisé Tesla S.

Génératrice embarquée

Conjuguant à la fois propulsion « propre » et rayon d’action généreux, la technique de véhicule électrique à autonomie prolongée pourrait s’étendre à l’univers des voitures prestigieuses. C’est ce type de propulsion que Jaguar a, par exemple, choisi pour animer le prototype célébrant ses septante-cinq ans d’existence : le C-X75. Outre un design particulièrement réussi, ce modèle se singularise par la présence de deux turbines à gaz embarquées. Pesant à peine 35 kg chacune, ces turbines tournent à plus de 80 000 tr/min (elles aspirent 25 000 litres d’air par minute) et permettent d’alimenter en énergie les moteurs électriques. Au nombre de quatre, ces derniers sont implantés dans les roues et délivrent chacun 195 cv et 400 Nm de couple. Une puissance suffisante pour permettre au concept d’afficher des performances de premier ordre : 0 à 100 km/h en 3,4 s et 330 km/h en vitesse de pointe. Doté d’un potentiel sportif évident, le prototype profite de son mode de propulsion futuriste pour ne rejeter que 28 g de CO2/km. Si le modèle dérivé de ce concept, produit en petite série, ne pourra toutefois pas bénéficier des turbines à gaz, Tata, propriétaire de Jaguar, a annoncé avoir pris une participation importante dans la société Bladon Jets, spécialiste dans la création de turbines, et entend mettre en oeuvre – à moyen terme – une Jaguar équipée de la technique annoncée.

A l’économie

Appliquée sur certains gros moteurs américains à l’apogée des « muscle cars » (années 1950/1960), la technique consistant à n’utiliser qu’une partie des cylindres du moteur – en conduite souple – bénéficie aujourd’hui de l’électronique pour revenir sur les devants de la scène. Après un retour en grâce en Formule 1 (lorsque le véhicule rentre aux stands ou suit la voiture de sécurité (safety car), par exemple), la technique refait surface sur un modèle de série chez Mercedes. Ainsi, dans sa récente livrée sportive AMG, le roadster SLK dispose effectivement d’un moteur V8 capable d’évoluer en conduite souple uniquement sur quatre cylindres. Lorsque le conducteur opte pour le mode économique, les cylindres n°s 2, 4, 6 et 8 se coupent entre 800 et 3 600 tr/min. Le couple fournit par le bloc moteur, limité à 230 Nm, reste néanmoins largement suffisant pour évoluer sereinement dans le trafic. En cas de sollicitation du conducteur, les cylindres « endormis » peuvent se rallumer en 30 millisecondes. Le V8 retrouve alors toute sa verve et délivre un couple de 540 Nm. Cette technique de réduction de cylindrée permet à Mercedes de proposer un modèle conservant ses spécifications sportives (422 cv, 0 à 100 km/h en 4,6 s) tout en restant relativement frugal en conduite coulée. La consommation mixte annoncée pour ce roadster supersportif se maintient ainsi à 8,4 l /100 km (199 g de CO2/km). Ce qui correspond à une diminution de l’ordre de 30 % par rapport à la précédente SLK AMG, pourtant bien moins puissante (360 cv).

Cure d’amaigrissement

Il n’y a pas que les moteurs qui sont reliftés pour réduire leur empreinte écologique. Les carrosseries, elles aussi, évoluent. Et là, pour diminuer la consommation, deux solutions sont envisagées : d’une part, soigner son coefficient aérodynamique grâce notamment à des calandres pilotées (elles se ferment ou s’ouvrent en fonction du besoin en air frais du moteur) et, d’autre part, de réduire drastiquement le poids du véhicule. Dans ce domaine, les modèles haut de gamme peuvent se permettre de s’équiper de matériaux coûteux. Le PRFC, plastique renforcé de fibres de carbone, se présente – à moyen terme – comme la solution la plus convaincante. Cette matière, utilisée notamment lors de la construction des coques des Formules 1, allie légèreté et rigidité. Pariant sur cette matière, Lamborghini maîtrise aujourd’hui l’ensemble de la technique au sein de sa propre usine. Ceci, depuis la modélisation en trois dimensions jusqu’à la production en passant par la réalisation de prototypes.

La récente Lamborghini Aventador, attendue pour la fin de l’année, hérite dès lors d’une coque réalisée dans cette matière novatrice. Alliée à une carrosserie en aluminium, cette coque pèse 1 575 kg et ceci malgré une transmission intégrale et un moteur V12 de 6,5 l de cylindrée. Ce qui correspond à une réduction de poids de 75 kg par rapport à sa devancière, la Murcielago. D’évidence, une utilisation d’autant plus importante de PRFC réduirait davantage le poids total. Comme en témoigne le concept-car Sesto Elemento présenté par la firme italienne. Presque entièrement réalisée dans cette matière novatrice (structure, carrosserie, éléments de suspension…), cette super-car soumise à un régime draconien maintient son poids total sous la barre des 1 000 kg… Soit autant qu’une petite citadine ! En revanche, le coût de production important de ce modèle incite Lamborghini à ne le proposer à la vente que dans une série spéciale ultralimitée (une poignée d’exemplaires seulement) à un coût exorbitant : plus de deux millions d’euros contre 255 000 euros pour l’Aventador !

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