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Les voitures électriques sont-elles vraiment écologiques?

Urbain Vandormael
Urbain Vandormael Spécialiste voitures  

L’euphorie environnementale qui règne autour des autos électriques ne retombe pas. Pourtant, un rapport scientifique de l’Institut suédois pour la recherche environnementale (IVL) soulève de sérieuses questions quant au caractère écologique des voitures électriques.

Les contradictions ne pourraient être plus grandes : l’été dernier, le plus chaud et le plus sec de mémoire d’homme, des pluies torrentielles et des inondations locales sans précédent ont causé des dégâts énormes. Coïncidence ou conséquence du changement climatique, en partie due aux émissions de gaz d’échappement nocifs des voitures, des navires et des avions ?

Dans la rue, la discussion fait rage, ce qui n’a rien de surprenant. Les gens sont envahis de recommandations contradictoires se référant à des études scientifiques dont on ignore généralement le commanditaire.

Ce dernier point n’est pas sans importance. Parce que même à l’ère de la haute technologie, le proverbe « ne mords pas la main qui te nourrit », s’applique. En d’autres termes, on nous ment et on nous trompe de toutes parts.

Les marques allemandes, passées de leaders à suiveurs

L’électromobilité est synonyme de zéro émission et constitue la solution au problème de la pollution de l’air causée par les émissions nocives de voitures. Néanmoins, la percée de la voiture électrique prend beaucoup plus de temps que prévu par le secteur. Pour les raisons qu’on connaît: trop cher, une gamme de modèles trop limitée, une autonomie trop limitée, trop peu de bornes de recharge, un temps de charge trop long, etc.

Si l’on en croit les messages euphoriques des constructeurs automobiles, les solutions sont en gestation et l’accélération tant attendue est enfin en marche. Les marques allemandes, en particulier, se manifestent en masse.

Depuis les années 1970, elles sont à l’origine de la plupart des innovations technologiques dans le secteur automobile, mais dans le domaine de l’électromobilité, leur rôle pionnier a été repris par les constructeurs automobiles français et asiatiques, et plus récemment par la marque américaine Tesla et anglaise Jaguar.

Pour le dire un peu crûment, les marques allemandes ont plus ou moins raté le train électrique et sont passées du statut de leader à celui de suiveur. Pour ceux qui en doutent encore : l’année dernière, le controversé Tesla a vendu plus de voitures aux États-Unis que Mercedes, qui se proclame régulièrement la meilleure marque premium. L’EQC, le premier SUV électrique de Mercedes, ne sera pas disponible avant l’été prochain au plus tôt. « Qui se loue, s’emboue », dit un autre proverbe.

Tesla Model X
Tesla Model X© .

D’accord, le premier SUV électrique de BMW débarque encore plus tard. En 2013, le constructeur bavarois a lancé l’i3, la première voiture de ville électrique haut de gamme, mais sans lui donner de suite. De plus, lors du lancement des nouveaux X5 et X7, il manquait une version électrique. Une marque qui met l’accent sur l’innovation technologique dans sa stratégie marketing et qui freine juste au moment où Audi et Mercedes dévoilent l’e-tron et l’EQC, cela cache quelque chose.

Rapport révélateur de l’Institut suédois de recherche sur l’environnement IVL

Se pourrait-il que BMW attend parce qu’elle a tiré les enseignements de son i-projet ? Après l’euphorie, le dégrisement: les i3 et i8 ne sont pas devenus les best-sellers qu’elle espérait. En outre, il y a des doutes quant à l’avenir de la propulsion alternative au courant. Les voitures électriques sont-elles vraiment aussi respectueuses de l’environnement qu’on le prétend habituellement ?

Selon un rapport récent de l’institut suédois de recherche sur l’environnement IVL, la production de cellules de batterie pour un Tesla entraîne des émissions de CO2 équivalentes à celles d’une voiture à essence compacte après 200 000 kilomètres. Alors que cette Tesla n’a pas encore roulé un mètre.

BMW i3S
BMW i3S© .

Les terres agricoles fertiles se dessèchent, les agriculteurs perdent leurs revenus

L’Institut suédois de recherche sur l’environnement souligne également les problèmes éthiques et humains qui se posent lors de l’extraction des éléments constitutifs essentiels d’une batterie comme le cobalt et le lithium. Ces deux matières premières sont présentes dans un certain nombre de pays d’Afrique, d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord et en petites quantités en Autriche, au Portugal et en Russie.

La répartition inégale des sites miniers est un problème majeur. En ce qui concerne le cobalt, environ la moitié des réserves mondiales se trouvent dans le sous-sol de la République démocratique du Congo, où la cette matière première est extraite dans des conditions inhumaines. Souvent par des enfants.

Le prix du cobalt sur le marché a doublé en un an. L’an dernier, le lithium a triplé, ce qui est une bonne nouvelle pour la Bolivie, certains de ses pays voisins et l’Australie. L’Amérique du Sud et l’Australie représentaient ensemble environ 90 % de la production mondiale de lithium en 2017. Le métal alcalin est le pétrole du futur.

L’an dernier, la production mondiale de lithium a dépassé 300 000 tonnes, dont 600 tonnes étaient destinées à l’industrie automobile. Selon l’institut allemand Fraunhofer, la demande de lithium atteindra 110.000 tonnes par an.

En Amérique du Sud, le lithium est extrait des lacs salés. Cependant, l’utilisation de bassins d’évaporation solaire a un impact très négatif sur l’approvisionnement en eau de la population locale. Elle voit ses ressources en eau s’évaporer et ne peut plus arroser ses terres agricoles. En conséquence, il n’y a plus de cultures et les agriculteurs n’ont plus de revenus.

Les gouvernements sud-américains ne protègent pas la population paysanne menacée parce qu’ils ont besoin des revenus de l’extraction du lithium pour réaliser la transition du pétrole à l’énergie des batteries.

90% des terres rares entre les mains des Chinois

Les recherches sur l’origine des composants des moteurs électriques fournissent des informations encore plus intéressantes. Ils ne sont plus composés de fonte ou d’aluminium, mais de métaux dits des terres rares (REE). Bien que ces derniers soient disponibles en grandes quantités, 90% des stocks sont entre les mains de la Chine. Celle-ci a donc le monopole de ce qu’on peut appeler le pétrole de l’avenir.

Il n’est pas exclu que le gouvernement de Pékin utilise tôt ou tard cette position pour favoriser les constructeurs automobiles chinois dans leur concurrence avec les marques automobiles étrangères. Sur ordre du président Xi Jinping, les fabricants chinois ont fait de l’électromobilité une priorité absolue. Geely, propriétaire de Volvo et depuis l’année dernière le plus grand actionnaire de Mercedes, veut lancer une marque e-premium avec Polestar.

Si Audi, BMW, Mercedes et VW sont condamnés à suivre, c’est de leur faute. Elles se sont concentrées trop longtemps sur le développement de moteurs à combustion interne performants et ont accordé trop peu d’attention aux systèmes de propulsion alternatifs – sachant bien que le diesel ne représente qu’une part de marché mondiale de 5%.

Les producteurs asiatiques dominent le marché de la batterie

Les constructeurs automobiles allemands n’aiment pas être confrontés à la constatation qu’ils dépendent, en matière de propulsion électrique, du savoir-faire et de la bonne volonté de fournisseurs sur qui ils n’ont aucun contrôle.

Quand Audi Bruxelles proclame fièrement qu’elle construit la batterie pour le nouvel e-tron, ce n’est qu’une demi-vérité. Audi Bruxelles assemble les pièces qu’elle se procure auprès de son fournisseur sud-coréen. La vérité est que Catl (Chine), LG Chem (Corée du Sud), Panasonic (Japon) et Samsung (Corée du Sud) ont un monopole sur la production de batteries. Pratiquement toutes les marques de voitures sont leurs clients, jusqu’à Tesla qui travaille avec Panasonic.

Audi e-tron 55 quattro
Audi e-tron 55 quattro© .

Afin de répondre à la demande de leurs clients, les fabricants de batteries précités vont construire des usines en Allemagne. Et dans quelques pays d’Europe de l’Est, parce que le combustible fossile qu’ils utilisent pour produire leurs batteries y est moins cher.

Cela nous amène à un point particulièrement délicat. Les fabricants de batteries et les fournisseurs d’électricité utilisent principalement des combustibles fossiles. Tant qu’ils ne passent pas à des sources d’énergie renouvelable tels que l’eau, le vent et le soleil, les voitures électriques sont et resteront néfastes pour l’environnement.

Les marques de voitures essaient d’éviter le débat. Elles préfèrent amadouer les consommateurs par de belles perspectives. Pas chez BMW. La marque opte résolument pour des solutions durables et ne fait pas de promesses qu’elle ne peut tenir. BMW fait valoir que la production et la distribution de ses véhicules électriques ont un impact environnemental inférieur à celui d’un modèle comparable à moteur à essence ou diesel. C’est pourquoi BMW a retardé le lancement de certains modèles électroniques prêts à l’emploi et à l’autonomie importante. Leur empreinte écologique n’est pas (encore) conforme à leur code d’honneur. Cela changera dès que les batteries du nouveau fournisseur chinois CATL sortiront de l’usine commune de Thuringe, en Allemagne. Entre-temps, BMW achète ses batteries à la société sud-coréenne Samsung, qui n’était manifestement pas disposée à partager l’ambition écologique de son client allemand.

Si BMW met sur le marché de petites voitures électriques abordables, elle contribuera considérablement à un monde plus sain. Un exemple qui mérite d’être soutenu et suivi, mais qui ne nous fait pas oublier l’ombre qui plane sur l’histoire électronique. Jusqu’à nouvel ordre, les voitures électriques sont donc moins respectueuses de l’environnement qu’on ne le pense généralement. Mais tout est encore possible. Espérons que c’est pour bientôt, car le temps presse.

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