Kipling 15, Sade 0

Qui a parlé de paix communautaire ? Pour une fois qu’on a une joueuse wallonne dans le top 10 (de tennis: je précise à l’intention de ceux qui reviendraient d’un voyage sur la Lune. Dans le top 10 de la chanson, c’est Mario), il faut qu’une Flamande l’empêche de gagner l’Open d’Australie en venant lâchement lui voler sa victoire en quarts de finale. Avant de se faire défaire elle-même par une Américaine que nosse Justine, elle, aurait battu à coup sûr (et droit) sans subir pareil revers (lifté).

Circonstance aggravante, le forfait a été commis nuitamment : je l’ai vu, c’était en direct sur la Deux, à 1 heure du matin. Or, nonobstant son patronyme, Justine est du genre plutôt sage et couche-tôt. Que fait-elle le soir avec son fiancé (le bien-nommé Ardenne) dans leur chambre d’hôtel ? Des réussites à l’ordinateur, nous apprend La Libre Belgique (le quotidien belge de Paris-Match) du 24 janvier. Facile, pour la jeune Clijsters, 18 ans à peine, de battre son aînée Henin : les jeunes tiennent mieux le coup la nuit, c’est bien connu. La Flamande a d’ailleurs infligé deux autres défaites sur le même score à la Wallonne, l’une à 8 heures du matin et l’autre à 15 heures, toujours sur la Deux. Ah, c’était une rediffusion ? Rediffuser cela, c’est une atteinte au moral de la nation ! Que fait l’administrateur général de la RTBF ? Ah, il n’y en a plus ?

Bon, bref. Et que fait le gouvernement wallon ? A quoi bon monter au filet du comité de concertation pour empêcher les travailleurs du Nord de gagner quelques malheureux euros de plus que ceux du Sud, et rester inactif quand une sportive flamande prive sa collègue wallonne de 180 000 dollars ? Pourquoi toujours protéger les pauvres et jamais les riches ? N’est-ce pas le philosophe André Cools qui disait préférer un réviseur d’entreprises wallon à douze prolétaires flamands ?

On l’aura compris : Kim contre Justine, c’est le dernier avatar en date de l’éternel affrontement des Germains et des Latins. Kipling contre Sade, la fourmi contre la cigale, la fille à papa contre la fille rebellée, Vlaanderen 2002 contre les TEC Hainaut. Ne peut-on s’entendre pour ne pas les envoyer chaque fois aux mêmes tournois? Les solutions ne manquent pourtant pas.

On pourrait, comme à l’Eurovision, organiser l’alternance : les candidates aux tournois du grand chelem seraient présélectionnées tour à tour par les téléspectateurs de la VRT et par ceux de la RTBF. Ou garantir la parité dans les finales comme la Constitution la prévoit pour le Conseil des ministres :  » L’arbitre éventuellement excepté, tout terrain de tennis compte autant de joueurs d’expression française que d’expression néerlandaise « . Et qu’on ne vienne pas ergoter sur des questions de compétence territoriale : si on a déjà une loi nous permettant de juger n’importe qui a fait n’importe quoi n’importe où, pourvu que ce soit très grave, on n’est plus à cela près.

Tiens, et tant qu’à parler d’arbitre, Monsieur Maingain, les bourgmestres de la périphérie et autres défenseurs des minorités ne pourraients-il saisir la Cour d’arbitrage? On trouve, certes, une majorité d’anciens referees de football (comme dans la phrase  » Le sociétaire du club de derrière les casernes s’en alla tranquillement déposer une rose au fond des filets des visiteurs, obligeant le gardien à se retourner une troisième fois, et le referee ne put que pointer de l’index le rond central  » ), mais aussi des hommes (et femmes) de chaise, dans ce siège de magistrats assis.

Enfin, le roi ne peut-il user de sa royale influence ? Lui qui plaide deux fois l’an pour la concorde chez nous, peut-il tolérer pareils affrontements à l’étranger devant les caméras du monde entier? Ciergnon n’est pas loin de Rochefort, il devrait être sensible au développement de l’économie locale.

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