Daphne Caruana Galizia © Reuters

Daphne Caruana Galizia, une « WikiLeaks » à elle toute seule

Le Vif

Trafics illicites, pots-de-vin, comptes bancaires offshore… La blogueuse et journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, tuée lundi dans l’explosion de sa voiture piégée, dénonçait de sa plume sans concession la corruption sur son archipel au coeur de la Méditerranée.

Moins d’une heure avant que sa voiture n’explose, lundi vers 15H00, elle écrivait encore sur son blog: « Il y a des escrocs partout où l’on regarde maintenant, la situation est désespérée ».

Depuis des années en première ligne contre la corruption qui gangrène son île, Daphne Caruana Galizia, 53 ans, n’avait jamais cédé aux tentatives d’intimidations. Comme celle trouvée un matin sur le mur de sa maison: « Si les mots sont des perles, le silence a plus de valeur… ».

Née le 26 août 1964, Daphne Caruana Galizia, avait travaillé comme chroniqueuse dans plusieurs médias maltais, dont The Sunday Times of Malta et The Malta Independent, mais c’est surtout par son blog très suivi, Running Commentary, qu’elle s’était fait connaître bien au-delà de son île.

Sur cet espace de liberté, elle avait révélé plusieurs affaires de corruption, s’attaquant même à l’épouse du Premier ministre travailliste, Michelle Muscat.

Trafics illicites, prébendes, avantages fiscaux pour les sociétés étrangères… Daphne Caruana Galizia traquait sans relâche ces malversations avec son fils Matthew, membre de Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

‘Stylo empoisonné’

Mais son style mordant et sans nuance lui avait aussi valu d’être qualifiée de « blogueuse au stylo empoisonné » et accusée de diffuser de fausses informations.

Ignorant la peur, celle qu’on surnommait « la femme WikiLeaks » n’hésitait pas à livrer l’identité de ces cibles sur son blog suivi par quelque 400.000 lecteurs, sur une île qui compte à peine plus d’habitants.

A Malte, qui abrite quelque 70.000 sociétés offshore et les sièges des plus grands groupes de jeux de hasard, la brune quinquagénaire avait aussi exercé sa plume au vitriol contre plusieurs ministres et hommes d’affaires.

Parmi eux, l’ancien ministre de l’Energie, Konrad Mizzi, désormais au Tourisme, ou encore le chef de cabinet de M. Muscat, Keith Schembri, tous deux cités dans l’affaire des « Panama papers ».

Figure également à son tableau de chasse le vice-gouverneur de la Banque centrale de Malte, Alfred Mifsud, accusé d’avoir été rémunéré pendant plusieurs mois par le géant du tabac Philip Morris au début des années 2010.

Récemment classée par le magazine américain Politico parmi les « 28 personnalités qui font bouger l’Europe », Daphne Caruana Galizia s’attaquait aussi à l’opposition, comme récemment avec le leader de droite Adrian Delia, accusé d’avoir un compte offshore à Jersey.

Pour la Commission européenne, elle était « une pionnière du journalisme d’investigation à Malte ».

Lundi, M. Muscat a qualifié son assassinat de « journée noire pour la démocratie et la liberté d’expression », promettant qu’il n’aurait de cesse « que justice soit faite » et appelant l’île à l’unité.

Début juin, il avait remporté une large victoire lors d’élections législatives anticipées, convoquées après une série de scandales impliquant son entourage et dans lesquelles Daphne Caruana Galizia avait joué un rôle clé.

Son épouse Michelle Muscat est soupçonnée d’avoir ouvert un compte au Panama pour y abriter, entre autres, des pots-de-vin versés par l’Azerbaïdjan en échange de l’autorisation donnée à une banque azérie de travailler à Malte.

Le couple Muscat a toujours nié les faits, accusant Daphne Caruana Galizia d’avoir été manipulée par une lanceuse d’alerte russe.

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a promis une récompense de 20.000 euros pour toute information permettant de retrouver ses meurtriers.

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