Pierre Havaux

Reynders la menace

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le vice-premier libéral reste au sommet de son art : à l’attaque sur le CD&V, féroce envers les autres. Jusqu’où ira la capacité de Didier Reynders de pourrir l’ambiance du gouvernement et/ou de nuire au MR de… Charles Michel ?

Il est dans son élément. Allumer le feu, l’entretenir. Didier Reynders a toujours son lance-flammes à portée de main. Prêt à l’emploi. Dernière victime carbonisée : le CD&V. Le vice-premier ministre MR ne craint rien. Pas même de s’attaquer à du lourd . Ce n’est pas dans sa nature de pulvériser l’autre à moitié. Partenaire de gouvernement ou pas.

Qu’a donc fait le CD&V pour mériter pareil châtiment ? Soupçonner Didier Reynders, et laisser répandre la rumeur, d’être à l’origine des malheurs actuels du parti, éclaboussé par la saga Belfius/ACW. Accuser à mots couverts l’ex-ministre des Finances d’avoir contribué un peu, beaucoup, passionnément, à la descente aux enfers et à la chute de son successeur, le CD&V Steven Vanackere.

Rien de tel que de lui chercher des poux dans la tête pour mettre Didier Reynders en appétit. Et en verve. Sa réplique, par voie de presse, prouve qu’il reste au sommet de son art. Calibrée, cinglante, féroce, assassine. Pleine de sous-entendus et de menaces à peine voilées.

Lui, le responsable des fuites dans la presse qui abîment gravement la mouvance démocrate-chrétienne ? « Avec les dossiers que j’ai, j’aurais sorti bien autre chose… » Et vlan, dans les gencives. On le cherche. ? On le trouve.

Didier Reynders ne fait d’ailleurs jamais que poser des questions. En toute innocence, presque en passant. Sur la gestion des Finances par Steven Vanackere, et singulièrement sa capacité à calculer juste : Didier Reynders s’étonne que Di Rupo Ier se trouve face à un nouvel effort budgétaire d’une ampleur inattendue. Sur les dessous exacts de la saga « Belfius/ARCOACW-MOC » : Didier Reynders se dit que cela mériterait bien une commission d’enquête parlementaire. « Je suis prêt. »

Pas de doute : le chef de file MR au gouvernement est en grande forme. Le CD&V, brutalement remis à sa place, n’est pas le seul à le sentir. Didier Reynders a une pensée pour tous, ces derniers temps. Pêle-mêle :

La Flandre, la Wallonie et Bruxelles (où le MR est dans l’opposition) sont instamment priées par le vice-premier et ministre des Affaires étrangères (pour info : le ministre fédéral du Budget, c’est le MR Olivier Chastel) de contribuer au redressement des finances publiques. L’ accueil a été plus que froid. Ces mêmes Régions sont priées de faire de la place à la diplomatie économique, le dada du ministre Reynders. L’accueil a été glacial.

La Justice (du ressort d’Annemie Turtelboom, Open VLD) est invitée à mieux contrôler les imans. L’Intérieur (ministre compétente : Joëlle Milquet CDH) devrait revoir ses besoins à la baisse. Les réactions sont polaires.

Et toujours un mot aimable, au besoin. A l’adresse de Paul Magnette, président du PS, qui charge un peu trop les libéraux au goût de Didier Reynders : , « qu’est-ce que c’est que ce che Guevara du pauvre ? »

Le festival Reynders, et tel est bien le but, finit par taper sur les nerfs de ceux qui en sont la cible, directe ou indirecte.
Certains renoncent à comprendre cette hyper-activité belliqueuse. Façon Benoît Lutgen, président du CDH : »je ne suis pas psychanaliste. Je suis étonné. Non, même plus… » « Peut-être est-il trop souvent à l’étranger », s’interroge Kris Peeters, ministre-président flamand CD&V, peu tenté par « le cynisme » à la Reynders.

Même l’Open VLD, le parti-frère du MR, cale : « nous nous distançons du style de monsieur Reynders », relève le député régional Dirk Van Mechelen.

Reynders seul contre tous ? Allez savoir. Avec lui, c’est toujours plus embrouillé que ça. Mis à part la bagarre, que cherche-t-il ? Apparemment à pourrir un peu plus l’ambiance au sein du gouvernement fédéral, en s’attaquant frontalement à son plus puissant partenaire flamand, un CD&V déjà fragilisé.

Au risque de devenir un allié objectif de la N-VA de Bart De Wever, avec lequel Didier Reynders est soupçonné d’avoir des atomes crochus. Au risque aussi de brouiller la trajectoire et l’image du MR présidé par celui qui a eu raison de sa présidence : Charles Michel, régulièrement effacé par son remuant chef de file au gouvernement.

Dans tous les cas, Didier Reynders savoure l’effet qu’il produit : il existe toujours politiquement. A sa manière : querelleuse, cynique, très personnelle, énigmatique sur ses intentions. L’électron libre a de l’avenir.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire