Technologie

Miniaturisation aidant, les technologies envahissent notre quotidien. Après la maison et la voiture, les objets communicants se logent dans les vêtements avant de se glisser sous la peau

Réveil lymphatique, petit déj’ nonchalant… Récupération de la veste sur le portemanteau et direction la voiture pour une nouvelle journée de travail. Pas si vite ! Sur le seuil du logis, un petit bip sonore se fait entendre dans le col de votre chemise. Il annonce que la poche intérieure gauche de votre veston est dépourvue de portefeuille. Après désactivation de l’alarme via votre montre-bracelet, l’écran de celle-ci localise l’objet manquant sur la table basse du salon. Le portefeuille récupéré, on peut y aller… Les portes de la voiture se déverrouillent à votre approche et le poste radio s’allume pour diffuser votre émission préférée. De là à attendre que l’automobile démarre d’initiative pour vous conduire à votre premier rendez-vous matinal, il n’y a qu’un pas, une puce dirons-nous, que les concepteurs n’ont pas encore franchi. Pour le reste, tout se trouve déjà dans les cartons des fabricants et les premiers prototypes envahissent les labos.

Les vêtements communicants

Le laboratoire de recherche bruxellois Starlab (une société de recherche fondamentale dirigée par un groupe de chefs d’entreprise) pour lequel travaillent une soixantaine de personnes issues d’une vingtaine de pays, présentait, en septembre dernier, les premiers modèles opérationnels de vêtements intelligents. Regroupés sous le vocable i-Wear, ceux-ci s’appuient sur un concept qui considère les vêtements comme une seconde peau composée d’un certain nombre de couches, chacune avec leur fonction distincte. Ainsi, le distrait de tout à l’heure qui faillit oublier son portefeuille avait heureusement enfilé un veston dont les poches mémorisent leur contenu habituel, tandis que la partie son et communication du vêtement offre des dispositifs d’émission et de réception intégrés dans le col et les manches de la chemise. La communication entre les différents éléments s’effectue sans fil via un procédé que les chercheurs ont baptisé FAN ( Fabric Area Network).

Ce réseau intégré de manière naturelle et souple dans le tissu constitue d’ailleurs une première du labo belge. Sortie à la même époque, la veste électronique développée par Levi’s et Philips ne faisait que masquer dans les coutures et les ourlets les fils reliant un téléphone mobile et un lecteur MP3 aux écouteurs dissimulés dans le col. Une pochette de GSM géante, en quelque sorte, qui protège accessoirement l’utilisateur des intempéries.

En intégrant un réseau de communication aussi fin dans le tissu, Starlab a donc ouvert des perspectives qui pourraient aboutir à des réalisations plus importantes. C’est notamment le cas de l’écharpe multimédia mise au point par la cellule recherche et développement de France Télécom. Equipée, sur un pan, d’un écran tactile couplé à une webcam, l’écharpe peut recevoir et diffuser en permanence des informations orales, écrites ou visuelles. Sa position sur le corps détermine sa fonction. En la relevant, les écouteurs qu’elle dissimule se positionnent à hauteur des oreilles. Autour du cou, on active un micro au niveau de la bouche. Ce bureau portatif du futur, qui permettra à son utilisateur d’accéder aux informations de l’entreprise, est avant tout destiné aux professionnels en déplacement. Ils pourraient en bénéficier à partir de 2005. Si farfelu (idiot ?) que ce projet puisse paraître, France Télécom en testera avant l’été, la pertinence et l’ergonomie auprès d’utilisateurs potentiels.

Moins pragmatiques et plus futiles, les concepts de Motorola s’articulent autour du divertissement. Ainsi, lors de vos courses vestimentaires, ganté du hearing hand (littéralement une main d’écoute), vous recevrez dans une oreillette des messages audio provenant de smart tags (des mini-émetteurs) incorporés aux vêtements en exposition. En fonction du paramétrage de votre « main d’écoute » (informations relatives aux produits, tels que le prix, la taille, la couleur, la matière…), vous serez dirigés vers les habits se rapprochant le plus de votre souhait. Plus léger encore, le mood hood (capuche d’ambiance), qui n’est pas sans rappeler la bure des moines, renferme l’appareillage nécessaire pour écouter des morceaux de musique dans des conditions optimales. Le volume sonore se réglera automatiquement en fonction du bruit environnant.

Plus classe encore, car développés comme de véritables bijoux, les others eyes embarqueront de mini-caméscopes diffusant images et sons vers un poste de télévision. Dans l’absolu, les chercheurs imaginent que ces joyaux vous permettront de suivre en direct une fête de famille se déroulant à Bruxelles alors que vous êtes en voyage d’affaires à Madrid. Technologiquement parlant cette dernière prouesse ne pose aucun problème, le transfert des images s’effectuant par un système de télécommunication (ou comment rentabiliser les coûteuses licences UMTS). Mais, financièrement, c’est autre chose: certaines factures téléphoniques ne s’en relèveraient pas.

Sous les tissus, la peau

Considéré comme l’un des grands chercheurs en robotique, Kevin Warwick, de l’Institut de robotique de l’université de Reading, en Angleterre, a, dès 1998, élargi le concept du vêtement intelligent en se faisant implanter un mini-processeur dans l’avant-bras. Placée entre la peau et les muscles, une petite capsule de 2 centimètres, contenant une puce et une batterie, émettait en continu durant l’expérience, des signaux vers l’ordinateur central du laboratoire de robotique. Grâce à ceux-ci et à une série de capteurs disséminés dans les bâtiments, l’ordinateur localisait Warwick en permanence, ouvrait automatiquement les portes et allumait ses ordinateurs personnels à son approche. Si la performance est en soi banale et ne bouleverse pas le monde des technologies (au lieu de se retrouver dans un objet, la balise se trouve simplement sous la peau), l’expérience a surtout démontré qu’il était possible de communiquer avec un implant mis en place sans recourir à une opération chirurgicale compliquée. Prévue pour cet été, la prochaine étape reliera la puce à des fibres nerveuses afin de transmettre à un ordinateur les signaux électriques que le corps produit. Si cette liaison aboutit, l’étude de ces signaux permettra peut-être de comprendre certains troubles du mouvement liés au système nerveux. Le cas échéant,on peut envisager de renvoyer un signal de la puce vers la fibre nerveuse afin de corriger des impulsions défaillantes et, ainsi, permettre à certaines personnes de recouvrer l’usage d’un membre déficient.

Si futiles qu’elles puissent paraître, ces expériences et ces prototypes, pourraient déboucher sur des applications concrètes et utiles dans la vie quotidienne. Un peu comme les avancées technologiques du sport automobile qui se répercutent, dix ans plus tard, sur la voiture de l’usager moyen. En attendant, on pourra toujours chiner aux puces, à la recherche du sac à dos nécessaire au stockage des batteries de tous ces périphériques. A moins qu’en guise de lichette on ne place dorénavant sur nos parkas l’inévitable prise électrique ?

En ligne France Télécom R&D : www.rd.francetelecom.fr i-Wear: www.iwear.com Kevin Warwick: www.kevinwarwick.org Levi’s ICD+: www.levis-icd.com Starlab: www.starlab.org

Vincent Genot ENCADRE

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