© Frédéric Pauwels/Huma

SNCB : les confessions d’un cheminot

C ‘est un local réservé aux accompagnateurs de train, comme de nombreuses gares en comptent. Le mobilier est spartiate : une table rectangulaire, une télé, un vieux fauteuil, un frigo, un distributeur de sodas. Aux murs, les tableaux d’affichage, quelques cartes postales, et le schéma de la communication interne de SNCB-mobility, siglé du leitmotiv « SNCB, destination mieux », à côté duquel un cheminot facétieux a ajouté un point d’interrogation. Pas sûr en effet que l’avenir du rail soit rose… Exceptionnellement, un agent a ouvert la porte au Vif/L’Express. Entré à la SNCB il y a presque dix ans, il nous a parlé. Longuement. Comme à confesse.

« Pour le moment, ce qui tracasse les collègues, c’est l’augmentation du tarif pour les gens qui achètent leur billet dans le train. Apparemment, à partir d’octobre, ce ne sera plus 3 euros, mais 7 euros de supplément si on paye son ticket à bord. Mettre 7 euros en plus à un voyageur, imaginez… On va recevoir des coups.

Moi, j’ai reçu un coup de poing il y a quelques mois. A Charleroi, vers 7 heures du matin. Un type avait ses pieds sur la banquette, je lui ai fait une remarque, gentiment. Quelques minutes plus tard, il arrive par derrière pour me casser la gueule. Dans les grandes gares, Securail dispose d’une brigade fixe. Mais ce n’est pas le cas à Braine-le-Comte, Tubize ou La Louvière. Donc, sur ces lignes-là, on fait gaffe. Si les gens ne veulent pas payer, on n’insiste pas trop. On n’a pas envie de se faire démolir.

Un samedi soir, je suis resté trois heures en rade à Floreffe. Caténaire cassée. Une locomotive diesel aurait dû venir secourir mon train. Mais le dispatching m’explique : pas de conducteur, pas de locomotive non plus. J’avais à bord un groupe de jeunes qui devaient se rendre à une mégasoirée à Hasselt. Ils étaient surexcités. J’ai cru que je ne survivrai pas. Toutes les demi-heures, je téléphonais au dispatching pour leur demander s’ils avaient une solution. On me répondait : ah non… Les voyageurs énervés ont compris que je n’en savais pas plus qu’eux. Finalement, Securail a envoyé un bus. C’est typique. Le week-end, il n’y a plus de personnel ni de machines disponibles pour ce genre d’incidents.

Hier, j’ai voyagé avec huit voitures double étage. Au moment de partir, je constate qu’une porte ne ferme pas. Je marche jusqu’à l’autre bout du train, je chipote, on perd dix minutes, puis on repart. Là, une dame m’interpelle. Faut absolument réparer cette porte, me dit-elle, c’est toujours le même problème. Intrigué, je vais voir le carnet de bord : depuis le 14 janvier, la porte est défectueuse. La rame a déjà été envoyée à l’atelier deux fois.

Un exemple de la gestion de la SNCB ? A Charleroi, les toilettes du local des accompagnateurs de train sont bouchées. De la pissotière au gros tuyau, ça relève de la SNCB. A partir du gros tuyau, par contre, c’est le holding. Le holding dit : le petit tuyau est bouché, c’est à la SNCB de réparer. La SNCB rétorque : pour réparer, il faut casser le mur, qui appartient au holding. Véridique !

Le déneigement des quais, ça a encore été une histoire monstrueuse. Il fallait une note écrite pour savoir qui devait faire quoi. Du coup, qu’est-ce qui se passe ? Dans bien des cas, le sous-chef de gare n’attend pas et il met lui-même du sel. Cela fonctionne souvent comme ça. On s’arrange entre nous pour resserrer les boulons ici et là. Mais vu la pression grandissante qu’on leur met, les collègues ont de moins en moins envie de faire plaisir.

Le décès d’une accompagnatrice en gare de Mons, en novembre 2009, a été un choc terrible. Quand elle est morte, on a tous regardé si elle n’avait pas changé de service au dernier moment. Pour savoir. Est-ce que j’aurais pu être à sa place ? Deux mois plus tard, c’était Buizingen. »

FRANÇOIS BRABANT

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire