En janvier 1969, Michel Micombero, président du Burundi, reçoit Raymond Scheyven, ministre belge de la Coopération au développement. © BELGAIMAGES

29 avril 1972 : L’étincelle du premier génocide burundais

En kirundi, on parle d' »Ikiza ». En français : la « grande catastrophe ». Et pourtant, aucun mot ne pourrait qualifier ce qui s’est passé au Burundi au printemps 1972. Le 29 avril, des rebelles hutus ouvrent les hostilités. Dans le sud du pays, des douzaines de civils tutsis sont abattus. Sauvagement, hommes, femmes et enfants sont découpés. L’horreur. Ce n’est pourtant encore… que le début.

Car c’est bien la riposte, disproportionnée, qui va faire entrer le conflit dans une autre dimension. Partout dans le pays, les hutus sont pourchassés, torturés, tués. Dans les pleurs et les cris, un nettoyage ethnique s’opère. Devant le silence de la communauté internationale s’écrit l’une des pages les plus sombres de l’histoire du pays.

En 1962, le  » Ruanda-Urundi  » se défait de sa tutelle belge pour donner naissance à deux Etats indépendants : le Rwanda et le Burundi. Ce dernier n’est pas plus grand que la Belgique. Comme elle, il se compose de deux ethnies. Entre lesquelles une frontière transparente voit le jour : si la minorité tutsie est destinée à l’exercice du pouvoir, les hutus se voient le plus souvent voués aux tâches auxiliaires. Dans l’inégale répartition de l’accès au pouvoir réside assurément l’une des raisons de la tension. Une autre, c’est le climat socio- économique. L’industrie est faible, les investissements productifs sont rares, les services publics coûtent cher. Le Burundi est l’un des pays les plus pauvres du continent africain.

Certains soutiennent que l’offensive hutue débutée fin avril a été subtilement inspirée par le régime du président Michel Micombero. C’est difficile à prouver. En revanche, il est clair que celui-ci attendait l’étincelle. Qui lui permettrait de faire flamber la maison. Dans toutes les provinces, soudainement, les Hutus se trouvent pris en chasse. Cibles prioritaires : les fonctionnaires, les commerçants et les étudiants. Les victimes sont innombrables. Selon les estimations, leur nombre oscille entre 150 000 et 300 000.

En Occident, l’indifférence domine. Qui s’explique notamment par une certaine incompréhension : les Blancs peinent à appréhender ce lointain événement. Autre élément : la guerre froide. Dans les années 1970, elle fait la manchette des journaux. Les conflits hors de cette axe de clivage Est-Ouest n’ont guère voix au chapitre. Bien plus que vers le drame burundais, c’est vers le conflit vietnamien que les regards occidentaux se tournent. Enfin se pose la question des intérêts : la  » valeur économique  » du Burundi est faible ; la  » communauté internationale  » a bien compris qu’elle ne gagnerait pas grand-chose à s’immiscer dans cette bataille.

L’histoire ressert parfois les mêmes plats. En 1988, un nouveau conflit interethnique provoque la mort de 20 000 Burundais. Puis vient 1993. L’accession au pouvoir de Melchior Ndadaye, premier Hutu à devenir président, est insupportable pour certains compatriotes. L’homme est assassiné le 21 octobre. Nouvelle guerre civile. Et nouveau génocide : plus de 100 000 personnes perdront la vie.

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