Un tiers de fiction, un tiers de dérision, un tiers d'observation. Et un tiers de réalité. © xzarobas

On a retrouvé Albert !

Où il est question d’un  » menu Einstein « , d’une serveuse médium, d’une louve et de bisous royaux.

 » Guten morgen, liebe freunde !  » Guillerette et bondissante, Paula, ses hanches et son sourire, firent une entrée remarquée au Geyser, surtout lorsque la serveuse sous-titra ses salutations matinales d’un murmure intrigant qui ressemblait à une formule magique :  » Zur elektrodynamik bewegter körper…  » (Sur l’électrodynamique des corps en mouvement). Dès son arrivée, Loulou, la louve du café, s’était mise à grogner méchamment, ouvrant grand des yeux habités d’une antique et instinctive sagesse.

Depuis quand tu parles allemand, toi ? qu’il s’étonna, le vieil Heinrich.

Wieso ? répondit sèchement la serveuse, comme on tord le cou d’un poulet.

A présent, Loulou était passée des grognements lugubres à des rouwah-rouwah forcenés. Le vieil Heinrich lui flatta le râble et l’animal tamisa ses hurlements comme un orage d’été en retraite.

C’est une médium, assura, tranquillement, depuis la table n°3, une voix masculine que personne n’avait sonnée. Albert Einstein s’est installé dans sa tête. Normal : Paula est l’arrière-petite fille illégitime du physicien. Tout se tient. (1). Et alors, de la bouche d’Heinrich, folle de cartésienne certitude, s’échappa un vitupérant :  » Saloperies, charlataneries, sorcelleries, fadaises !  »

Pendant ce temps-là, devant les urinoirs du café, un homme de taille moyenne, assez rebondi de sa personne, courtaud (disons-le franchement) bataillait ferme avec l’espèce de grand foulard mauve qu’il portait sur le devant, façon gésier poitrinaire. Un cadeau de Paola, son épouse.

De son côté, imperturbable dans son corps de femme, Einstein se résignait à la vie, avec des petits bonheurs d’occasion. Pour le déjeuner du jour, il/elle avait ainsi commandé à Bertrand, le chef, un menu composé de melon glacé, de poulet, d’une sole meunière et d’une crêpe Suzette (2). Alors que le petit chauve sortait des cabinets et se dirigeait vers la table où l’attendait le reste de son déjeuner du jour, Le Fleuri lança :  » J’ai Charles Michel sur la ligne 1, l’Otan sur la 2 et le PS sur la 3. Ils veulent tous causer à Paula.  »

Heinrich se passa alors une main sur le front, et, comme saisi d’un éblouissement, laissa tomber lourdement son corps de vieux moineau sur la chaise voisine de celle du type à l’encombrante lavallière.  » Elle est chouette, cette serveuse ! qu’il commenta, l’ancien roi des Belges. Elle me rappelle quelqu’un. Allez, tous en choeur : un gros kiss, pour Paula !  » (3)

Mais c’est pas tout ça : l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film, qui v démarrer sur la Une, à 20h15…

(1) Dans J’ai perdu Albert, le dernier roman de Didier Van Cauwelaert, Einstein hante une médium, en Belgique. L’adaptation cinématographique sortira le 12 septembre prochain.

(2) Le 18 avril, jour anniversaire de la mort d’Einstein, on servit un  » menu Einstein  » au Geyser, en souvenir du repas que le savant partagea, en août 1933, avec le ministre français Anatole de Monzie et James Ensor, à Coq-sur-Mer.

(3) Le 21 juillet 2013, lors de son abdication, le roi Albert II a envoyé  » un gros kiss  » à son épouse, la reine Paola.

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