L'arme de ce héros de la résistance : sa plume. © REPORTERS

Le 12 mars 1916, le jour où le cardinal Mercier a dépassé les bornes

C’est un homme qui dérange. Et qui ne peut s’empêcher de le faire. Depuis le début de la guerre, il multiplie les prises de position publiques. Ce faisant, il agace les Allemands. Bouscule le Saint-Siège. Et désoriente les autorités belges. Mais au sein de la population, sa popularité monte en flèche.

En mars 1916, le cardinal Mercier rentre en Belgique après avoir effectué un séjour au Vatican. A nouveau, il diffuse une lettre. C’est la goutte qui fait déborder un vase déjà bien rempli.

C’est à la Noël 1914 que le cardinal Mercier signe son premier acte notoire de résistance. Il diffuse alors une lettre pastorale intitulée  » Patriotisme et endurance « . Destinée au clergé comme aux fidèles, elle est imprimée à 15 000 exemplaires – tout en étant interdite ! Dans le texte, l’archevêque se montre spirituel :  » Aucune catastrophe au monde, tant qu’elle n’atteint que des créatures, n’est comparable à celle que nos péchés ont provoquée « . Mais il est aussi très concret :  » L’Allemagne a violé son serment.  »

Mercier est devenu un acteur du conflit. Il s’est aussi fait quelques ennemis. A Berlin, on considère dorénavant le cardinal comme une véritable bête noire. A la cour, le roi Albert voit d’un mauvais oeil l’irruption du religieux sur la scène publique. Enfin, à Rome, on est franchement mal à l’aise. C’est que Benoît XV, guide de tous les catholiques, hésite à prendre clairement position. Assailli par des pressions en tous sens, il préfère opter pour la neutralité.

 » Appel à la prière  » : en septembre 1915, Mercier publie une nouvelle lettre ; c’est à nouveau une bombe. Qui provoque la fureur des Allemands. Que faire ? Mercier est devenu intouchable ; un assassinat n’est pas une option. Mais une autre idée circule : obtenir la mutation du prélat. L’idée percole dans certains milieux romains, mais elle n’est pas retenue. En février 1916, le cardinal belge passe précisément quelques jours à Rome. La propagande allemande en profite pour répandre l’idée que Mercier aurait été rappelé à l’ordre. Le cardinal ne se laisse pas faire : aussitôt, il publie  » A notre retour de Rome « . Le texte est plus politique que jamais. Mercier y met l’accent sur… le soutien reçu au Vatican ! Le 12 mars, le document est lu dans les églises du pays.

L’occupant enrage. Et réagit. Charles Dessain, imprimeur du texte et bourgmestre de Malines, est déporté en Allemagne. Au Havre, le gouvernement belge en exil décide de ne pas diffuser le document, jugé trop politique. Quant au Saint-Siège, pour la première fois, il choisit de ne plus soutenir Mercier.  » Le Saint-Père prie chaleureusement le cardinal de s’abstenir jusqu’à nouvel ordre de toute autre publication « , envoie-t-on secrètement à Malines.

Dans les mois qui suivent, Mercier se tait. L’homme est en proie au doute. Réaliste, il commence même à se laisser tenter par une paix de compromis. Avant de changer d’avis. A l’automne 1916, il reprend la plume pour dénoncer la déportation d’ouvriers. Au soir du conflit, Mercier sera devenu un véritable héros de la résistance.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire