Gérald Papy

« Après les élections italiennes, l’Europe a besoin d’une parade au défi populiste »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’extrême prudence des principaux dirigeants européens dans l’analyse des résultats des élections législatives en Italie n’est pas uniquement due à la grande incertitude qui prévaut à Rome sur la capacité à former le prochain gouvernement.

Le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio et la Ligue de Matteo Salvini sont fondés à nourrir des ambitions parce qu’ils ont été les principaux vainqueurs du scrutin. Mais ils sont conscients aussi de la difficulté de la tâche, vu le rejet qu’inspire tout ou partie de leur programme auprès de leurs rares partenaires potentiels de gouvernement. Non, la modération européenne à ce qui constitue de toute évidence un séisme pour la troisième puissance économique de l’Union – une majorité de voix  » antisystème  » et anti-Europe – renvoie surtout à la peur d’assumer sa responsabilité dans ce vote inédit car majoritairement contestataire.

La place centrale du dossier des migrants dans la campagne électorale a considérablement pesé sur le vote des Italiens et a convaincu que tout était préférable à la gestion par le gouvernement sortant. Président du Conseil italien avant sa démission consécutive à l’échec du référendum constitutionnel en 2016, Matteo Renzi n’avait pourtant cessé de réclamer l’aide de l’Union européenne. En vain alors que la question des migrations est par excellence une thématique où les efforts conjugués sont plus efficaces que le chacun pour soi. Résultat : pas de répartition ou si peu entre les Vingt-Huit des migrants venus du Moyen-Orient et d’Afrique au gré des crises, une solidarité a minima en faveur de l’Italie devenue première porte d’entrée après la sous-traitance à la Turquie de la rétention des candidats réfugiés de la route des Balkans, atermoiements dans la mise en place d’une police européenne des frontières. L’Union européenne aurait dû mettre en oeuvre une politique d’accueil et de dispatching avec les partenaires consentants, et en laissant les autres à leurs égoïsmes, quitte à introduire une nouvelle forme d’Europe à deux vitesses. Aujourd’hui, elle est de toute façon divisée et le problème demeure irrésolu.

Le sauvetage de l’idée humaniste de l’Europe passe par une Union plus politique

Face aux percées des populistes ou de l’extrême droite, dénominateur commun de la plupart des élections en Europe en 2017 et 2018, l’accouchement, même laborieux, d’une coalition entre la droite CDU/CSU et le SPD social-démocrate en Allemagne apparaît à certains comme une bouée de sauvetage. C’est oublier un peu vite que le fameux couple franco-allemand, du fait de la frilosité de la présidence Hollande, a été singulièrement inopérant dans la crise migratoire de 2015, que la chancelière allemande Angela Merkel sort sensiblement affaiblie de la bataille pour la formation de son gouvernement, et qu’une Union majoritairement eurosceptique se révélera impuissante à avancer, quelle que soit la confiance entre partenaires français et allemands.

L’Union européenne affronte une  » crise patrimoniale « , ainsi nommée par le politologue français Dominique Reynié pour définir  » cette crainte désormais répandue de perdre à la fois son patrimoine matériel, son niveau de vie et son patrimoine immatériel, son style de vie « . Fondée ou fantasmée, cette inquiétude ne peut plus être ignorée par les dirigeants. Le sauvetage de l’idée humaniste de l’Europe passe donc par une Union plus politique où le Conseil européen et la Commission anticipent les crises, négocient, rallient le plus grand nombre à une position commune, justifient les politiques choisies et expliquent leurs tenants et leurs aboutissants. C’est à cette seule condition que le rêve d’une Europe qui protège, progresse et reste un modèle de respect des droits de l’homme face à des rivaux qui privilégient l’autocratie, deviendra une réalité.

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