Qui dit Brexit dit retour des frontières (ici, près de Newry, en Irlande du Nord). © m. Smiejek/dpa picture-alliance/afp

BELFAST ET LE BREXIT

La seule frontière terrestre entre le territoire britannique et un Etat membre de l’Union, l’Irlande, est le véritable enjeu des négociations sur la sortie du Royaume-Uni.

Dans les procédures de divorce, souvent, les questions d’argent occultent les autres, mais la vraie querelle, celle qui renvoie aux causes de la rupture, demeure souterraine et inexprimée. Il en va de même pour le Brexit.

A première vue, à l’approche du sommet européen des 14 et 15 décembre, le principal sujet de discorde entre Londres et Bruxelles concerne le montant du chèque que le Royaume-Uni devra verser à l’Union européenne (UE), à partir de mars 2019, quand les Britanniques claqueront la porte. En réalité, la vraie bagarre sera ailleurs et portera sur l’avenir de la frontière entre l’Irlande du Nord et la république d’Irlande. Le moindre accord, sur ce sujet, risque de voler en éclats à l’approche de la date fatidique.

Longue de 500 kilomètres environ, cette ligne est la seule frontière terrestre entre le territoire britannique et un Etat voisin, membre de l’UE. Elle a longtemps été hérissée de barbelés et de miradors. La paix est revenue, en 1998, grâce à l’accord de Belfast. Aujourd’hui, l’ex-ligne de démarcation n’est plus qu’un souvenir. Qu’en sera-t-il demain ? La Première ministre britannique, Theresa May, a annoncé que son pays quitterait le marché unique européen et l’union douanière. Sa décision entraînera en principe le rétablissement des contrôles. Une perspective dont personne, sur place, ne veut entendre parler.

Identité multiple

L’enjeu est d’abord économique. Mais le vrai différend est plus profond et largement passé sous silence. Il touche à l’identité des peuples. Si l’accord de Belfast a permis de faire taire les armes, depuis près d’une vingtaine d’années, c’est que ses auteurs ont rédigé un chef-d’oeuvre admirable d’ambiguïté, qui permet à chacun d’y lire à peu près ce qu’il veut. En particulier, le texte reconnaît  » à tous les Nord-Irlandais le droit de s’identifier et d’être acceptés comme Irlandais ou Britanniques ou les deux, selon leur libre choix « . Une telle disposition revient à considérer l’identité nationale et la citoyenneté qui en découle comme des questions de choix individuel. Mieux, l’identité peut être multiple, et même changeante. Fluide, aussi, car tous les habitants de l’île, de part et d’autre de la frontière, ont en commun d’être des citoyens de l’Union européenne.

Le Brexit s’inscrit en faux contre cette vision du monde. En choisissant de quitter l’UE, lors du référendum de mai 2016, une majorité d’Anglais a manifesté son souhait de  » reprendre le contrôle « , selon les termes d’un slogan de campagne. Partant du principe que l’union fait la force, le projet européen invite chaque Etat membre à accepter librement de renoncer à des parts de sa souveraineté. C’est cela, surtout, que les Britanniques ne supportaient plus. Tant pis pour leur province d’Irlande du Nord. Et tant pis pour eux.

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