Les pouvoirs publics font montre d'une remarquable tolérance à l'égard de la consommation d'antidépresseurs, note Laurent de Sutter. © Ulrich Baumgarten/getty images

Veut-on endormir notre réactivité ?

Grâce à l’anesthésie, les chirurgiens ont eu la paix. Grâce à l’addiction aux antidépresseurs, aux somnifères, à la cocaïne et autres pilules, les capitalistes cherchent-ils à annihiler la possibilité de l’excitation politique ? C’est l’hypothèse développée par le philosophe Laurent de Sutter, chroniqueur au Vif/L’Express, dans L’Age de l’anesthésie (Les Liens qui libèrent, 156 p.). Le récit qu’il fait de la découverte et de l’usage à des fins médicales de l’hydrate de choral, qui permit l’anesthésie douce, de la chlorpromazine, le premier antipsychotique, des antidépresseurs, de la cocaïne ou de la pilule contraceptive est passionnant. Les conclusions qu’il tire de l’émergence de ces substances, concomitante avec celles du capitalisme industriel et de foules potentiellement incontrôlables, interpellent et dérangent. Il y décèle la naissance d’un narcocapitalisme,  » capitalisme de la narcose, ce sommeil forcé dans lequel les anesthésistes plongent leurs patients afin de les débarrasser de tout ce qui les empêche d’être efficaces dans l’ordre du présent – c’est-à-dire de travailler, travailler, et travailler encore « . Ainsi, pour Laurent de Sutter, la plus importante des murailles, que nous ne cessons pourtant de tenter de percer, est celle qui a été construite à l’intérieur de nous, avec notre concours,  » celle que la chimie de notre cerveau réclame avec toujours plus d’ardeur « .

Gérald Papy

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