New Bond Street, Matt Stuart, 2006. © Matt Stuart

Chercher l’erreur

Lassé par le culte de la perfection qui submerge nos sociétés ? Le Botanique programme Fabulous Failures, une exposition qui rappelle combien faire erreur est salutaire. Rien ne va plus.

L’été sera chaud. Pas seulement, il sera aussi foireux. C’est en tout cas ce que promet le Botanique à la faveur d’un accrochage qui se penche sur  » l’art d’embrasser le hasard et les erreurs « . On le doit à Erik Kessels (1966, Amsterdam), trendsetter au sein de l’agence de communication KesselsKramer et curateur de Fabulous Failures. Le propos s’appuie sur un constat : art, design, photographie ou culture populaire sont aujourd’hui totalement soumis à la dictature de la perfection et du contrôle. Filtres, retouches, mises en scènes, postproduction… on ne compte plus les artifices, boostés par les avancées technologiques, qui permettent de faire ressembler vies et oeuvres à des légendes dorées, hélas, souvent trop lisses. Heureusement, des poches de résistance se forment, nombreux sont les artistes qui s’attachent à réinsérer l’imperfection et à mettre le hasard au centre de leur processus créatif. Kessels a réuni une quinzaine d’entre eux, qu’ils agissent seuls ou en collectifs, afin d’offrir un panorama chaotique.

Cartels bancals

Dès l’entrée dans le Museum, le visiteur comprend que la forme épouse le contenu. Bien sûr, il est impossible de ne pas penser au mouvement surréaliste qui, à la suite de la Première Guerre mondiale, a élevé l’aléatoire au rang de technique d’écriture. Il y a du  » cadavre exquis  » dans Fabulous Failures, du nom de ce procédé qui consiste à rédiger un texte à tour de rôle sans savoir ce que l’autre a écrit. Sonorités qui entrent en collision et télescopages des oeuvres, si l’on cherche l’accrochage marmoréen mieux vaut passer son chemin. Même les cartels ont un coup dans l’aile : les textes apposés sur de simples planches témoignent des errances d’un logiciel erratique en matière de découpe de texte.

Une installation résume l’esprit de l’exposition. On la doit à la photographe néerlandaise Annegien van Doorn (Vlissingen, 1982). L’esthétique du dispositif relève clairement de la déglingue, soit une télévision posée sur une paire de baskets trouées, elles-mêmes placées sur une cagette en plastique reposant sur un diable. L’écran diffuse Domestic Science (2015), une oeuvre vidéo basée sur des objets extrêmement banals. Tube de dentifrice écrasé par une porte qui se ferme, pamplemousse cédant sous le poids de ce que l’on devine être une chaise, crème liquide répandue sur des livres, tomate écrasée à la main… c’est drôle mais pas seulement, ces accidents ménagers nous en apprennent énormément sur le monde qui est le nôtre, sur ses fantasmes. Un monde qui conditionne, qui met le vivant en boîte et, de ce fait, tend le bâton à des forces qui ne l’épargnent pas. La photographie livre un axe important de ce que l’on a envie d’appeler un  » décrochage « , tant les oeuvres jonchent l’espace plutôt qu’elles ne le structurent. L’image fixe est omniprésente, qu’il s’agisse de saisir sur le vif le chevauchement improbable de deux strates de réalité – Matt Stuart -, les petits bricolages provisoires apportés à des problèmes précis – David Helbich et ses Belgian Solutions -, l’incongru génial – André Thijssen -, voire les collages assumés de Paul Bogaers – l’association monumentale d’une robe de mariée et d’une chute d’eau, ou ce rétroviseur de voiture dont le reflet épouse, contre toute attente, la perspective offerte par le pare-brise. On quitte l’exposition réconcilié avec le monde, désormais persuadé qu’il y a toujours quelque chose à faire de ses erreurs.

Fabulous Failures, au Botanique (Museum), à Bruxelles, jusqu’au 20 août prochain. www.botanique.be

Par Michel Verlinden

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