A la table de bois vernis du salon colonial, la fine fleur de la rébellion. © NICOLAS DE DECKER

Le Cercle de Lorraine n’a pas peur de la gauche radicale

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le Cercle de Lorraine, le très sélect club de la place Poelaert à Bruxelles, s’est penché sur le succès du PTB. Choses entendues.

C’est un endroit où l’on pouffe lorsqu’un scientifique situe le CDH au centre-droit, un endroit où la gentille réceptionniste qui suscite des vocations de sugar daddy chez les réceptionnés doit prêter un blazer de chez Zara à celui qui n’en porte pas, un endroit qui se targue encore de son salon colonial et des actions des charbonnages de Pobedenko et de la Société coloniale agricole et minière (ou Scam, pour ses petits porteurs qui ne parlaient pas l’anglais) qui encadrent son entrée. Cet endroit, c’est le Cercle de Lorraine, face au palais de justice de Bruxelles, et dans cet endroit, dans ce salon colonial, fesses posées sur ce siège en peau de zèbre, devant cette grande table en bois vernis, Pascal Delwit (ULB), ce lundi 27 mars à midi, est venu parler du PTB à une vingtaine de wealth managers, d’administrateurs délégués, de notaires honoraires, d’account managers et de gérants de sociétés.

Une cène de l’antisystème contemporain entre ballotine de saumon, pointes d’asperges et sorbet au yuzu, qui ne s’effraie pas des succès rouge foncé mais qui s’en amuse, qui même s’en réjouit et qui frissonne, gourmande, à l’évocation des derniers résultats des sondages. Parce que si les commensaux sous les têtes de mufles empaillées et la grande carte des richesses du Congo belge sont antisystème, c’est parce que le système, c’est le PS, et que c’est le rouge pâle qui se fane le plus de la floraison du rouge vif.

Ce bataillon de l’antisystème, c’est un notaire honoraire qui estime que le vote PTB est le seul exutoire possible pour les petites gens qui sont contre le pouvoir socialiste puisque le FN a disparu, même si, pourtant, les électeurs du PTB sont sursyndiqués alors que ceux du FN étaient sous-syndiqués.

Cette avant-garde de la subversion, c’est un monsieur très gentil à la cravate bleue et aux cheveux très blancs et très fins qui se demande si ces sondages sont vraiment fiables et si ce qui se passe en Flandre ne va pas rendre  » la Belgique ingouvernable « , mais c’est parce qu’il a envie que le professeur lui dise que oui et que peut-être pas, même si le professeur lui dit que peut-être bien que oui.

Cette fine fleur de l’insubordination, c’est une dame qui s’interroge sur comment le PS prend tout ça et qui sourit comme tout le monde parce que le conférencier lui explique en gros qu’il prend tout ça dans la gueule, le PS, et qu’il n’a toujours pas l’air de bien comprendre d’où ça lui tombe sur la gueule, le PS.

Cet aiguillon de la piraterie, c’est un monsieur qui ne prendra pas de dessert qui veut savoir si tout de même ils ne sont pas instrumentalisés par Poutine, mais qui se soulage d’apprendre que non, manifestement pas du tout et qui se reprend un ballon de Sichel rouge 2014.

Cette barricade contre la bien-pensance, c’est ce monsieur au costume très finement rayé qui dit que les médias l’ont fait exprès de ne pas mettre en avant le fait que le MR était passé premier en Wallonie pour quand même malgré tout toujours c’est plus fort qu’eux renforcer le pouvoir de gauche.

L’éclaireuse de la rébellion, c’est la dame qui a organisé le déjeuner-conférence et qui voudrait que Pascal Delwit convainque Raoul Hedebouw d’arrêter de refuser les invitations de l’autre pointe de l’antisystème, la pointe qui porte des blazers, éventuellement de chez Zara. Mais sûrement pas des vestons de chez H&M.

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