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J’étais à la Vlaams Nationaal Zangfeest, et tout est vrai

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Il a laissé son mégaphone à la maison. Sur les terres de De Wever, pas de fransquillons à houspiller, pas de « franse ratten » (« rats français ») à faire déguerpir. C’est dimanche, le soleil brille en Flandre et Luc Vermeulen sirote son café à une terrasse, avec vue imprenable sur la fanfare en uniforme de la VNJ, la Jeunesse nationaliste flamande, qui parfait son drill en martelant ses tambours au pas cadencé, au pied du Lotto Arena d’Anvers.

C’est jour de relâche pour Vermeulen. Aubaine. Nul doute que la figure historique du Voorpost, fine fleur de l’activisme flamingant dans sa version ultradroitière, sera un guide expérimenté pour dévoiler ce qui se mijote dans la belle salle de spectacle, ce 26 mars. Un brin de causette s’impose.  » La Vlaams Nationaal Zangfeest, c’est, pour le Mouvement flamand, un rendez-vous comparable au pèlerinage de l’Yser.  » Quatre-vingts ans que ça dure. Que chaque année, la Flandre fière de son passé se rassemble pour chanter sa furieuse envie de se libérer de la marâtre belge.  » J’avais 16 ans à ma première participation, j’en ai 73. Nous étions 16 000 à 20 000 à nous réunir, nous sommes encore 4 000 à 5 000. Avant, beaucoup d’enseignants étaient flamingants et amenaient leurs classes « , se souvient le grognard de la lutte pour une Flandre indépendante et de préférence désislamisée.

Mais le devoir l’appelle. Un stand à tenir. Dans les couloirs, les tables sur tréteaux font de l’oeil à la foule qui se hâte lentement : VNJ, Taal Aktie Komitee, Voorpost offrent tout ce qu’il faut pour éduquer et habiller de pied en cap le flamingant. Jusqu’à la bombe à taguer, en jaune et noir, of course.

La Flandre monoculturelle est de sortie. Ni voile ni foulard en vue. Que des  » visages pâles  » à croiser, aux tempes nettement grisonnantes.

Musique ! C’est parti pour trois heures de spectacle non-stop dans une salle tapissée de noir et de jaune. Omdat ik Vlaming ben, Lied der Vlamingen, Mijn prachtig Vlaanderen, le répertoire est un rien monomaniaque. Les vieux tubes inscrits au patrimoine flamingant alternent avec quelques discours militants, juste ce qu’il faut pour ne pas assommer l’assistance. De quoi allumer  » les Saxe-Cobourg  » dont la seule évocation fait jaillir du  » kop  » du Vlaams Belang quelques  » België barst !  » ( » Que la Belgique crève ! « ) de rigueur.

Le public, chansonnier en main, donne de la voix. Il a payé pour venir chanter à gorge déployée : jusque 39 euros. Et tandis que des seaux circulent à l’heure de la collecte, une caméra inquisitrice s’amuse à débusquer, disséminées dans les travées, des têtes connues :  » un, deux, trois  » pour les N-VA Jambon, Weyts, Vandeput… Et le big boss, Bart De Wever ? Même  » madame pipi  » s’inquiète :  » Pas vu. Celui-là, depuis qu’il est devenu bourgmestre…  »

C’est fou comme le temps file. Place aux hymnes nationaux : Le Wilhelmus néerlandais, Die stem van Suid-Afrika tel qu’entonné au temps de l’apartheid, et l’incontournable Vlaamse Leeuw. Jamais de Brabançonne en magasin. Dans le rang des VIP, Siegfried Bracke chante sans fausse note. Le président de la Chambre et deuxième personnage de l’Etat belge nous exhibe son mot d’excuse :  » Je suis tenu à la neutralité quand je préside l’assemblée et quand je représente la Chambre. J’aime chanter et j’aime les traditions.  » Batteries rechargées, la foule se disperse. Les oreilles bercées par de douces mélodies.

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