Rosanne Mathot

Ce siècle étonnant qui déshabille les fées

Rosanne Mathot Journaliste

Où il est question de fake news, d’un caniche tueur, de fées toutes nues et d’Elio Di Rupo. Un récit à base de réalité, de fiction, de dérision et d’observation : quatre tiers servis exclusivement au « Café Geyser ».

 » Tout le monde dit que le chien est le meilleur ami de l’homme. C’est faux. Surtout pour ce qui est du caniche. Flanquez-lui un flingue entre les pattes et vous verrez bien qu’il vous dégommera aussi sec, le caniche. Sans états d’âme. BAM ! Probablement pas pour le fric, non : les clebs valent bien mieux que nous. Mais peut-être pour toutes les pâtées que vous lui avez refilées, année après année, alors que lui, il réclamait du rumsteck, zut ! Ils sont comme ça, les caniches. Saloperies !  » Vautré de tout son long sur la table n°7, l’homme politique wallon se tut enfin. Mais le mal était fait : la rumeur du caniche tueur avait enflé, grondé. Elle était devenue cyclone et son propre gonflement menaçait de faire éclater Twitter tout entier. L’homme politique lui, qui venait d’accuser un grand magazine belge de colporter des fake news, plissait les yeux à mort : il en avait assez vu et ne voulait pas qu’un caniche (armé ou non) s’infiltre dans sa pupille. Il tendait donc son verre de peket au petit bonheur, à l’aventure, en tremblant comme un épileptique sous Ritaline.

De sa bouteille en grès, la serveuse suivait les errements du verre baladeur du mieux qu’elle pût. Mais, en dépit des efforts soutenus de la jeune fille, l’alcool inondait à présent le sol. Bientôt, tout le monde nagea dans le genièvre, se cassant les poignets sur les lames du parquet, ayant initié de timides mais fervents mouvements de crawl. On évacua les femmes et les enfants d’abord. Ensuite, ce fut au tour des hommes. Enfin, celui des autres.

Ainsi va le monde. Il est plein d’histoires incongrues. Notez bien que ça remplit la vie, la sottise. Ça fait passer le temps. Ainsi, ces derniers mois, sur Twitter, l’ancienne ministre Christine Boutin a-t-elle prématurément enterré Jacques Chirac et, dimanche 5 mars, sur le plateau du journal de France 2, le désespéré candidat Fillon tenta de semer le trouble dans les esprits, en accusant les médias d’avoir annoncé le suicide de Penelope. Cessons d’être naïfs : on sait tous que Penelope s’esquinte de toute éternité les doigts, dans ses épopées homériques.

Bref, la rumeur, c’est un peu la broderie moderne du conte de fées. Mais, demanderez-vous, d’où donc nous viennent les personnages héroïques des contes populaires ? Figurez-vous qu’en 1959, une commission internationale tenta d’y voir scientifiquement plus clair. Vingt-cinq nations se réunirent à Kiel et à Copenhague, afin de demander leurs papiers au Loup, à la Belle au bois dormant et même à la Petite Sirène. Il s’agissait de déterminer quelle nuit des temps, quel grand  » n’importe où  » avait bien pu accoucher de telles fariboles.

On fit ainsi se dévêtir les fées, les sept nains et même le Petit Chaperon rouge. Tout le monde fut soumis à la question, en grelottant, une main sur l’entrejambe. Est-ce cette honteuse nudité qui inspira Alan Abel, le maestro du canular, la même année ? On l’ignore. Mais ce que l’on sait, c’est que, jusqu’en 1962, les Etats-Unis d’Amérique crurent dur comme fer à l’existence de la S.I.N.A., une organisation militant (sic)  » pour la décence des bêtes nues « . On équipa d’emblée les chevaux de shorts et les guenons de robes. Bien des années plus tard, un dandy au noeud papillon s’en agaça très fort. La rumeur s’en étonna. Et pour cause : n’était-ce pas elle qui avait colporté l’information selon laquelle Elio Di Rupo lui-même avait déclaré :  » J’en ai marre des pardessus ?  »

Mais c’est pas tout ça : l’heure tourne. Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer à 20h15, sur La Une…

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