A Bruxelles, l'activité numérique pèse 7,6 % du PIB de la capitale. © WILLIAM VAN HECKE/GETTY IMAGES

Objectif : hyperconnectée

Déjà capitale de l’Europe, Bruxelles ambitionne de devenir aussi une capitale du numérique. Sa stratégie de smart city veut intégrer les nouvelles technologies dans la vie quotidienne. Mais a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Avec ses 2 000 entreprises actives dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) et une activité numérique qui pèse 7,6 % du PIB, Bruxelles devrait avoir une longueur d’avance en matière de smart city. Concrètement, ce concept vise à optimiser la qualité de vie des citoyens dans les espaces urbains : une ville intelligente doit pouvoir utiliser au mieux les TIC pour améliorer ses services publics, rendre plus efficace l’usage de ses ressources et réduire son impact environnemental.

Aujourd’hui, des villes comme Bilbao ou San Francisco sont citées en exemple. Mais celle qui, pour 2014 déjà, ambitionnait de devenir la  » capitale TIC de l’Europe « , vient à peine de se doter d’une  » nouvelle stratégie numérique unifiée  » pour tenter de devenir une cité moderne bien ancrée dans le XXIe siècle. En lançant le label Digital.Brussels, les trois ministres du gouvernement bruxellois Bianca Debaets (Transition numérique), Didier Gosuin (Economie, Emploi et Formation) et Fadila Laanan (Recherche scientifique) ont mis sur pied un comité de coordination, dans le cadre du plan régional pour l’innovation, destiné entre autres à positionner le secteur numérique bruxellois sur la carte mondiale.

 » Nous n’avons rien à envier à une ville comme Amsterdam et sommes déjà en bonne position par rapport à d’autres villes européennes « , plaide la secrétaire d’Etat Bianca Debaets (CD&V), en charge de la Transition numérique depuis 2014. Mais en réalité, notre capitale est mal placée dans les classements internationaux, se faisant régulièrement damner le pion par des villes plus ambitieuses comme Paris, Londres, Stockholm, Copenhague ou Vienne. En 2015, Barcelone a même été classée n°1 par le centre de recherche sur l’économie digitale Juniper. Et pour cause : la capitale de la Catalogne investit des millions dans le développement de nouvelles technologies. Autre exemple : alors que la plupart des métropoles se préparent à l’avènement de la voiture autonome vers 2025 – Londres va expérimenter cet été des parkings permettant de garer des voitures autonomes qui pourront être rappelées via smartphone par leur propriétaire -, Bruxelles est à peine sensibilisée à la cause et n’a, pour le moment en tout cas, investi dans aucune infrastructure adaptée.

Même en Belgique, Bruxelles se fait devancer sur un tas de solutions novatrices qui contribuent à améliorer la vie de leurs citoyens. Liège a créé le Smart City Institute en 2015 afin de stimuler la recherche, la formation, l’innovation et l’entrepreneuriat dans le domaine de la  » ville intelligente « . Aucun projet de ce type à Bruxelles. Le retard est tel qu’Agoria, la fédération de l’industrie technologique, a placé Bruxelles en 17e position en 2015.  » On estime que la population de la Région de Bruxelles-Capitale devrait croître de 35 % d’ici à 2050. Pour demeurer viables pour leurs habitants, les villes devront s’organiser différemment. Mais chez nous, on observe une carence de projets et d’applications d’envergure « , souligne Marc Lambotte, président d’Agoria.

Ambitieux, mais à la traîne

Cela étant, on ne peut pas dire que la secrétaire d’Etat bruxelloise ne soit pas volontariste. Elle a effectué plusieurs voyages dans des villes dites  » smart « , comme Amsterdam, Barcelone et Bordeaux. En juin 2015, elle a inauguré le portail smartcity.brussels qui regroupe toutes les initiatives dans le domaine. Pour donner un visage et un peu plus de visibilité à celles-ci, la première smart city manager a également été nommée au CIRB, le centre d’informatique de la Région. Au niveau communal, la Ville de Bruxelles lui a emboîté le pas en nommant une gestionnaire smart city en 2015. Mais leurs actions manquent parfois de coordination.  » La difficulté, c’est que la ville intelligente est une matière transversale. Elle touche à autant de domaines que de cabinets différents : mobilité, énergie, environnement « , explique Bianca Debaets.

Concrètement, quels sont les projets phares pour la capitale intelligente de demain ? Le carburant, l’élément central de la smart city, ce sont les données. Un des premiers chantiers de la Région a donc été de créer une base d’échange de données publiques et ouvertes sur la plate-forme opendatastore.brussels. Objectif : fournir une mine d’informations libres et gratuites aux développeurs qui souhaitent créer de nouveaux services connectés à Bruxelles. Comme des applis qui procurent des informations fiables sur la mobilité urbaine, la pollution de l’air, la gestion de l’énergie, l’éclairage urbain, la solidarité intergénérationnelle ou le dialogue direct entre élus et citoyens.

 » La stratégie open data, lancée à Bruxelles en 2016, nous donne le cadre juridique et les moyens de continuer à ajouter toujours plus de données sur cette plate-forme. Une vingtaine d’administrations ont déjà mis en ligne des jeux de données, on avance aussi avec les communes, s’enthousiasme Céline Vanderborght, smart city manager auprès de la Région. On trouve déjà des données géographiques, des données statistiques, des données de mobilité. Et depuis peu, la Stib publie toutes ses données en temps réel.  » L’application Fix My Street, qui permet de signaler un incident dans l’espace public comme un éclairage défectueux ou un trottoir en mauvais état, est le résultat typique de ce jeu de données. Le potentiel est énorme. Selon Agoria, l’open data pourrait créer jusqu’à 1 500 emplois à Bruxelles.

Wifi gratuit

Dans la foulée, la Région a aussi installé du wifi gratuit dans une septantaine de lieux publics, et relié les écoles de la capitale au réseau de fibre optique Irisnet.  » Pour nous, ce type d’initiative est très important car 20 % des Bruxellois n’ont pas accès à Internet. Depuis le 1er janvier, les usagers de la Stib peuvent déjà utiliser gratuitement le wifi sur les quais ainsi qu’à l’entrée de quinze stations de métro. A la fin de l’année, toutes les stations en seront équipées « , promet Bianca Debaets. Parallèlement, la Ville de Bruxelles a aussi développé son propre réseau wifi, baptisé Bru-Wifi. Il couvre six places (Grand-Place, De Brouckère, Rouppe, Monnaie, Jeu de balle et Bockstael).

Autre chantier, et non des moindres w: une plate-forme centralisée de vidéosurveillance, reprenant toutes les images des zones de police, de la Stib et du port de Bruxelles. Dès janvier 2018, des caméras intelligentes (ANPR) seront installées à différents endroits de la ville afin de scanner les plaques des véhicules autorisés ou pas à circuler dans la future zone à basses émissions. En cas d’irrégularité, des amendes seront directement adressées aux propriétaires.  » Toutes ces images devraient être analysées par un logiciel qui permettra de faire ressortir des données pertinentes, signale Céline Vanderborght. Cet échange de données personnelles est organisé de manière à garantir la protection de la vie privée. Les données ne sont jamais agrégées dans un dossier central, mais toujours échangées entre administrations, pour une procédure précise cadrée par la commission de contrôle bruxelloise.  »

PAR DORIAN PECK

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