© ERIK ANTHIERENS

Des chiffres et des femmes

En France, c’est carrément 100 % des usagères des transports publics qui sont concernées (2). Hey, mademoiselle… Chez nous, il aura fallu le film de Sofie Peeters, en 2012, pour que le phénomène soit nommé. Femme de la rue montre la jeune Bruxelloise littéralement harcelée lorsqu’elle arpente les trottoirs de son quartier. De Beyrouth à New York, le reportage fait alors la Une des JT. Pute, pouffiasse, salope. Salope : l’insulte la plus entendue. 36 % des femmes y sont tellement habituées qu’elles ne s’offusquent plus, considérant les injures comme normales (3).

Les mots s’enfoncent profondément dans la psyché et le coeur. Ils ne tuent pas, heureusement. Ne blessent pas physiquement. Mais écorchent l’estime de soi et empêchent de pousser droit. Pour plus de 81 % des Européennes, cela se passe avant l’âge de 17 ans (4). Alors, les filles pressent le pas, évitent certains quartiers ou certaines heures, enfilent un pantalon sous leur jupe, voire plus de jupe, jamais. Ce que les sociologues appellent des comportements d’évitement.

Cinq ans après Sofie Peeters, le phénomène est reconnu. Les garçons et les hommes ont fini par croire leur compagne. Ils ont intégré que la rue change de visage quand elles avancent seules. Les initiatives fleurissent. Les autorités manifestent leur souhait de prendre le mâle à la racine. Elles subsidient des associations spécialisées qui organisent des cours d' » autodéfense féministe  » ou organisent la sensibilisation dès l’école. Je peux vous en parler : en trois ans, Touche pas à ma pote, l’asbl que je dirige, a fait jouer Patrick Ridremont, Gudule, Kody et d’autres comédiens de la Ligue d’impro devant dix mille enfants et adolescents de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le feedback est fantastique ! Bonheur de voir les gamins (et les gamines, évidemment, c’est une façon de parler) réfléchir sur des sketches qui posent très vite la question de la différence entre flirt et drague lourde. Et où, mine de rien, il est souvent question de vivre ensemble.

En 2017, c’est la Ville de Bruxelles qui planche sur un plan global antiharcèlement.

Et vous, que pouvez-vous faire ? Porter secours à celle qui se fait insulter. La plupart du temps, venir s’asseoir près d’elle suffit. L’encourager à porter plainte, ou porter plainte vous-même si vous étiez visée. Inutile ? Faux : même lorsqu’on ne connaît pas le nom de son agresseur, on laisse une trace administrative qui, à terme, forme des statistiques. C’est sur leur base que les moyens sont dégagés. A la police de Bruxelles, on n’exclut pas la mise sur le terrain de fliquettes en civil…

(1) Mon expérience du sexisme, étude Jump, 2017.

(2) Avis sur le harcèlement, Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 2015.

(3) Enquête sur les violences envers les femmes, Institut de démographie Paris-I.

(4) Hollaback ! et ILR School at Cornell University, 2014.

par Béa Ercolini

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