Le quartier Guillemins rénové : encore du mal à démarrer. © GETTY IMAGES

Immobilier : « À Liège, les jeunes achètent et revendent plus vite que leurs parents »

Pourquoi payer un loyer quand il équivaut peu ou prou à une mensualité de remboursement de crédit ? La propriété séduit les jeunes. Ils achètent petit, puis revendent dans la foulée. Et ainsi de suite.

Les notaires liégeois Pierre Govers et Aline Hugé et le notaire verviétois Renaud Chauvin se fondent sur les petits prix des logements dans la province pour expliquer l’essor d’un marché immobilier de plus en plus liquide. Qui plaît notamment aux acquéreurs dont les bourses sont les plus légères : les jeunes.

Comme dans d’autres grands centres urbains, certains quartiers autrefois délaissés gagnent en popularité à Liège-Ville. Quels sont-ils ?

Aline Hugé :
Aline Hugé : « Les gens originaires du centre-ville de Liège veulent y rester. »© DR

Aline Hugé : Bressoux s’est énormément développé. Le quartier est attractif parce qu’il permet de devenir propriétaire à bon compte. Les prix y sont encore particulièrement faibles et on y trouve des petites maisons bon marché à rénover. Dans les Vennes, le mix entre les rues chics et d’autres qui le sont moins pousse le quartier à aller mieux, à évoluer. Saint-Léonard, par contre, stagne un peu.

Peut-on parler, à Liège, de gentrification ?

A. H. : Bressoux est un ancien quartier populaire qui se gentrifie, oui. De manière générale, les gens qui sont originaires du centre-ville de Liège veulent y rester, quitte à changer de quartier pour un autre, plus abordable. Ils y impriment alors leur façon de vivre et leurs standards. L’an passé, c’est Saint-Léonard qui a décollé grâce à ce phénomène. Droixhe sera sans doute le prochain (sourires).

Renaud Chauvin: Il n’y a pas que les acquéreurs qui créent un renouveau dans un quartier et donc, un terreau pour sa gentrification. Les aménagements publics qui rendent un quartier plus agréable favorisent aussi ce développement.

Saint-Léonard a donc décollé l’an passé mais stagne cette année ?

A. H. : Pour moi, il n’évolue plus comme avant en matière de prix et de nombre de transactions. Mais je dis cela sur base de mon expérience de terrain, pas sur celle des statistiques.

Pierre Govers : Un quartier comme Saint-Léonard dépend de l’aboutissement de différents chantiers : le tram, le vaste projet immobilier Bavière… Quand ils seront lancés, on verra sans doute une évolution du marché. Mais pour l’instant, par rapport à d’autres zones, elle ne se marque pas de manière significative.

Les quartiers traditionnellement cotés le sont-ils toujours ?

Renaud Chauvin :
Renaud Chauvin :  » Acheter jeune peut aussi se révéler être une erreur. « © DR

A. H. : Le Louvrex conserve son attractivité. Et pourtant, il côtoie le quartier des Guillemins, qui, malgré une évolution positive avec la gare et les travaux envisagés, ne démarre pas. C’est qu’il fait le lien entre le Louvrex et Fragnée, qui n’est pas un quartier couru.

P. G. : Cointe, sur les hauteurs de Liège, est aussi très recherché… par les gens qui ont les moyens de se l’offrir. L’environnement y est assez favorable et il bénéficie d’une proximité de tous les services : bus, trains, centre-ville… Avant, on parlait beaucoup de Sprimont, à l’extérieur de Liège. Mais beaucoup de clients me disent que cela devient fort loin, ou en tout cas moins accessible qu’il y a dix ans. Le nombre de véhicules qui y transitent chaque matin aboutit à des embouteillages systématiques. Et le temps de trajet pour arriver en centre-ville ou à la gare devient excessif.

Renaud Chauvin : La mobilité s’est imposée comme un facteur majeur pour les acquéreurs et intervient beaucoup dans leur choix. Les lignes de bus pour aller à l’école pèsent presque autant que le quartier ou la présence d’un jardin.

Les prix relativement bas à Liège ont-ils pour effet de booster l’accès des jeunes à la propriété ?

A. H. : J’ai toujours été étonnée par le jeune âge des acquéreurs.

R. C. : Les jeunes veulent acheter le plus vite possible, en effet. Et si leurs parents ne l’ont pas fait au même âge, c’est parce que les taux d’intérêts hypothécaires étaient alors autrement plus élevés.

P. G. : A partir du moment où vous avez des mensualités de crédit qui sont plus ou moins équivalentes à un loyer, cela pousse les jeunes à préférer l’acquisition à la location. J’en vois beaucoup dans mon étude, qui achètent des petites maisons, des appartements…

On entend souvent les jeunes invoquer le fait que payer un loyer, c’est jeter de l’argent par les fenêtres. C’est oublier un peu vite les taxes et les frais qui incombent à un propriétaire. Il vaut mieux être un bon locataire qu’un mauvais propriétaire, non ?

R. C. : C’est culturel. Familial même. J’entends autour de moi les parents dire à leurs enfants qu’il faut investir tôt, investir jeune. Ils s’organisent en ce sens, d’ailleurs, en mettant de l’argent de côté et en le donnant à leurs enfants pour qu’ils puissent acheter. Ces sommes remplacent en quelque sorte ce que les banques ne prêtent plus : les droits d’enregistrement et les frais d’actes. Cela dit, acheter jeune peut aussi se révéler être une erreur. Notamment quand les couples se séparent assez rapidement après l’achat ou la construction. Ils perdent alors de l’argent. Et pas qu’un peu.

La solution serait-elle alors d’acheter jeune… et célibataire ?

Pierre Govers :
Pierre Govers :  » L’habitat groupé ? Je n’y ai jamais été confronté dans mon étude. « © DR

A. H. : Il y a des jeunes qui achètent quand ils sont célibataires pour sécuriser leur patrimoine. Mais pas tant que cela. C’est quand même plus facile d’acheter à deux… Et puis, je remarque que les jeunes n’ont plus peur de revendre. Ils se lancent. La maison n’est plus le projet de toute une vie, le couple pas nécessairement non plus.

P.G. : Je reçois beaucoup de couples qui achètent un appartement deux-chambres en sachant pertinemment qu’ils veulent deux enfants et qu’ils devront le revendre pour acheter plus grand dans les cinq à dix ans qui viennent. Cela ne les gêne pas sur le principe. Beaucoup, quand ils en ont les moyens, le gardent et le mettent en location. C’est un schéma très fréquent aussi.

R. C. : Le bien immobilier devient plus liquide. Il y a encore dix, quinze ans, c’était inimaginable.

L’habitat groupé, la colocation… Qu’en est-il des nouvelles formes d’habitat ?

P. G. : C’est à la mode et on en entend parler dans les médias. Mais personnellement, je ne le vois pas du tout dans mon étude. Je n’y ai jamais été confronté.

A. H. : Les Liégeois restent très traditionnels. Il y a toujours l’idéal de la petite maison qu’on achète pour soi, le petit appartement tranquille. Maintenant, cela dépend sans doute aussi des projets qui sont développés. Mais on n’observe pas de mouvement naturel en ce sens parmi les candidats-acquéreurs.

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