Gérald Papy

Macron, débat ou désillusion nationale ?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Il est requinqué, Emmanuel Macron. Un débat national qui s’anime, des gilets jaunes où la division prime, l’amorce d’une ébauche de remontada dans les sondages… Et voilà que le président français en vient déjà à imaginer ce grand pow-wow comme « une nouvelle étape de la transformation du pays ».

L’indécrottable optimiste de l’Elysée risque de se ramasser un retour de flamme particulièrement violent. La France expérimente une forme de démocratie participative tout à fait inédite, dont on ne trouve à vrai dire de possibles équivalents que dans les processus de concorde nationale après une tragédie, telle que l’Afrique du Sud en a vécu un avec la Commission vérité et réconciliation au sortir de l’apartheid. C’est stimulant, instructif et potentiellement réparateur pour ses participants comme pour ses initiateurs. Encore faut-il qu’une telle débauche d’énergie ne débouche pas sur la déception, la désillusion, le vide.

Or, qu’a-t-on perçu des échanges inauguraux d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe avec les maires et les citoyens ? Revenir sur la suppression de l’impôt sur la fortune ? La mesure serait contre-productive et ferait passer le président pour un François Hollande, une girouette. Adopter le référendum d’initiative citoyenne ? L’idée hérisse le Premier ministre municipaliste et presque autant le chef de l’Etat. Abroger la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes départementales ? Edouard Philippe a savamment mis en scène les chiffres, éloquents, de réduction de la mortalité induite par sept mois d’application de la disposition… Bref une à une, les portes se referment sur les dividendes que les gilets jaunes, même majoritairement absents des débats, pouvaient, après les reculades sociales, espérer retirer de leur action. Et le grand débat national prend petit à petit les contours d’un combat de boxe entre les rappeurs Booba et Kaaris : on en parle, on négocie, on s’invective mais on sait que la vraie confrontation n’aura probablement jamais lieu.

Encore faut-il que la débauche d’énergie du grand débat national ne débouche pas sur la déception, la désillusion, le vide.

Alors de deux choses l’une. Ou Emmanuel Macron est machiavélique et surjoue la résistance pour mieux signifier la valeur du (des) renoncement (s) qu’il s’apprête à concéder, au besoin en sacrifiant son chef de gouvernement qui pourrait difficilement se dédire sur la sécurité routière. Ou le président français, comme il n’a jamais cessé de le clamer, est réellement déterminé à maintenir le cap quoi qu’il arrive. L’horizon des élections européennes du 26 mai serait, il est vrai, de nature à instiller chez lui un retour d’arrogance. Les sondages prédisent à La République en marche une première place inespérée, permise par l’entrée en lice du Ralliement d’initiative citoyenne, émanation des gilets jaunes, et par les voix que celui-ci, ou d’autres listes similaires, grignoterait au Rassemblement national de Marine Le Pen.

Une pareille issue du scrutin européen, une nouvelle fois dévoyé de son objet, et un aboutissement chèvrechoutiste du grand débat national constitueraient en réalité pour Emmanuel Macron des succès factices. Le pays en sortirait plus divisé. Le ressentiment accentué des gilets jaunes redoublerait leur colère. Et Emmanuel Macron aurait raté une formidable occasion de moderniser la démocratie française et de l’ériger à nouveau en modèle pour le monde.

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