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Pour Frédéric Beigbeder, le beau geste, c’est « le revers à une main de Roger Federer »

Frédéric Beigbeder, 53 ans, écrivain. Vient de publier La Frivolité est une affaire sérieuse (éd. de l’Observatoire).

Qu’est-ce qu’un beau geste ?

Le revers à une main de Roger Federer. Pour moi, c’est l’élégance absolue.

Qu’avez-vous récemment fait pour vous-même ?

Je n’ai rien préparé pour mon billet radio pour la matinale de France Inter (NDLR : le 16 novembre dernier), depuis j’ai perdu ma chronique. Mais quand j’y repense, je me dis que c’est presque un geste punk finalement. Inconsciemment, c’était peut-être aussi un suicide médiatique et une manière élégante d’arrêter de me lever si tôt pour la radio. Plus fondamentalement, j’ai aimé prendre le risque de proposer une rubrique faite de silences et de médiocrité, j’ai osé  » me rater  » et cela me rend plus humain.

Et pour votre entourage, privé ou professionnel ?

Le mariage est sans doute le plus beau geste que l’on puisse poser à l’égard de quelqu’un, surtout à une époque où plus personne n’en a besoin pour obtenir les faveurs d’une dame. Pour moi, c’est donc le beau geste par excellence, totalement inutile et gratuit mais que l’on pose quand même. Et je dois bien avouer que, pour quelqu’un comme moi qui a divorcé deux fois et qui a écrit L’Amour dure trois ans, c’est encore plus courageux de le faire une troisième fois (NDLR : en 2014).

Et pour la société ?

J’ai fait le DJ à Pau lors d’une soirée de plus de 4 000 personnes mais dont tous les bénéfices étaient reversés aux victimes des inondations du Béarn. Je trouve que c’est chouette de faire la fête sans culpabiliser le lendemain parce qu’on a fait quelque chose de bien pour les autres.

Quel beau geste avez-vous posé pour des gens qui ne vous aiment pas ou que vous n’aimez pas ?

Je ne suis pas d’une nature rancunière, loin de moi l’envie de me venger. En revanche, je pense que, comme critique ou comme journaliste, il est très important d’être capable de changer d’avis, d’arriver à encenser par exemple, le dernier livre d’un écrivain dont on avait jadis détesté le travail. C’est très important de se laisser épater par quelqu’un qui nous avait déçu auparavant. Et inversement. Et moi, j’adore changer d’avis.

Qu’avez-vous lu, vu ou entendu récemment qui vous réconcilie avec la nature humaine ?

Sans hésiter, le livre Le Lambeau, de Philippe Lançon. Le récit de ce journaliste de Charlie Hebdo qui, lors de l’attentat, a reçu une balle dans la mâchoire et qui subissait ensuite plus de 18 opérations. Philippe Lançon aurait pu être  » énervé « . Or, son livre est un exemple de paix, d’humanité et de souffrance. A aucun moment, on n’y trouve un mot de haine ou de vindicte à l’égard des terroristes. Pour moi, c’est d’une élégance rare, je ne sais pas si j’aurais été capable d’être aussi chic.

Quel acte avez-vous posé dans votre vie et dont vous êtes le plus fier ?

Je suis fier d’avoir prédit, il y a dix-huit ans, dans 99 francs, ce que le monde serait aujourd’hui. J’y dénonçais la publicité, la manipulation et le confort de notre société de consommation. Quand je vois l’état de la planète, je constate que je n’avais pas tort. Mais plus que de la fierté, c’est de la honte que je ressens car je réalise que, finalement, mon livre n’aura servi à rien.

Quel acte a-t-on posé à votre égard et qui a changé votre vie ?

Denis Tillinac a publié mon premier roman (NDLR : Mémoires d’un jeune homme dérangé ) : j’avais 24 ans, il était le premier à avoir cru en moi.

Qui sont les personnes qui vous inspirent ?

Les femmes. Je n’ai jamais écrit sur autre chose, celles qui brisent un homme mais, surtout, celles qui sauvent toujours le gros connard du roman.

Quelle est la dernière chose que vous ayez donnée ?

Un baiser à mon fils Léonard, cet après-midi, juste après sa sieste.

Selon vous, le monde irait mieux si …

Les gens quittaient les grandes villes et si les matinales de la radio commençaient à 19 heures.

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