La bonne femme du curé

Où il est question d’un séminariste qui pensait se hisser au pinacle de la foi pure et qui dégringole dans les bras d’une braqueuse.

A quoi peut-on encore se fier ? Cet été, le professeur d’une grande école belge a fait croire à ses étudiants que le Luxembourg n’existait pas. L’année dernière, des pêcheurs indonésiens ont sauvé des eaux une poupée gonflable qu’ils avaient prise pour un ange tombé du ciel. A leur décharge, la poupée était très convenablement vêtue. Le téléphone rouge ? Il était noir. Les boîtes noires ? Elles sont orange. Tout cela est détail, direz-vous. Le poète d’ailleurs écrit sans rougir que la Terre est bleue comme une orange.

Que les poètes poétisent, soit. Mais les philosophes, eux, que font-ils pour nous sortir de ce margouillis ? C’est à croire qu’ils passent leur temps au bistrot. Et vas-y que je bulle. Et vas-y que je picole. Et pendant ce temps-là, on est balloté d’anxiétés en égarements.

Ces instants-là, le jeune séminariste installé au comptoir, il ne les connaissait pas. Imperturbable, il glougloutait son petit blanc, en feuilletant un missel. Jésus, le Saint-Esprit, toute la smala et leurs conclusions d’acier le tenaient loin des interrogations rabougries du commun des mortels. Bientôt, il serait curé. Prost. Amen.

Pendant qu’il terminait son muscadet, un tourbillon vanillé avait traversé le café. Une femme jolie mais dépenaillée était maintenant plantée à côté du séminariste. Après quelques préambules embarrassés avec le serveur –  » Oui, oui, un café, sans lait, merci  » -, la fille ouvrit subitement son manteau et dégaina un sein tout nu.  » La caisse !  » souffla la braqueuse d’une voix longue et triste comme la pluie. Puis elle tira.

Tenant à pleines mains un sein gonflé, elle aspergea de lait tout le café. Façon geyser ou arrosage automatique. Difficile à dire. En tout cas, c’était un truc de dingue, ce qu’elle venait de faire. Un truc désespéré, qui ne pouvait que hanter à jamais les mémoires, faire se relever les paralysés et peut-être même embarrasser un peu le bon Dieu (1) (2). Avec la rougeur de son nez qui coule, son loyer à payer, son bébé à vêtir et ses pauvres mirettes perdues dans un bavoir, la femme qui vient de tirer ne mesure pas la gravité de l’instant.

Heureusement, même les bad girls ont leur fan club. Parfois là où l’on s’y attend le moins. Tombé victime de ce maléfice qu’est l’amour, le séminariste prend la fille aux seins par la main et la demande en mariage. Comme ça. Paf !  » C’est maintenant ou jamais « , qu’il lui dit (3). Les heures passent, tournant encore et encore autour de la promesse d’une vie nouvelle. Et puis, le mot miracle jaillit de la bouche gangster : oui !

Mais c’est pas tout ça, l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer, à 20h15, sur la Une…

(1) Il y a quatre ans, en Allemagne, une femme a braqué une pharmacie en se servant de ses seins et en faisant gicler du lait maternel sur les employés pour détourner l’attention.

(2) Les Veuves, de Steve McQueen, est un thriller où le courage de femmes braqueuses fait oublier la lâcheté de leurs maris.

(3) Lors du dernier synode des évêques à Rome, l’Eglise belge a renouvelé ses voeux d’ouvrir la possibilité de devenir prêtre aux hommes mariés.

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