La Belgique sort exsangue et ruinée de la Première Guerre mondiale. Une impayable reconstruction l'attend. © COLLECTIONS PHOTOGRAPHIQUES 1914-1918, ARCHIVES DE L'ETAT

1918-1944: qu’ont engendré les après-guerre au niveau économique?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Ce que l’après-1918 lègue : une impayable reconstruction, une dette publique galopante. Ce que l’après-1944 laisse : une industrie intacte mais dangereusement vieillie.

Après-1918

L’occupant a eu la main lourde. C’est un pays exsangue, une économie en ruine et un appareil industriel largement anéanti qu’il laisse derrière lui.  » La sortie de guerre est vécue très douloureusement en 1918. Le pays a perdu un quart de sa richesse nationale et sa position de grande nation industrielle « , explique Jean-Michel Sterkendries (Ecole royale militaire).

Qu’à cela ne tienne, l’Allemagne doit et va payer pour le mal infligé. Les Belges veulent y croire,  » convaincus qu’ils pourront rentabiliser leur statut de  » pays martyr  » pour obtenir d’importants dédommagements « , relève Erik Buyst (KUL), spécialiste en histoire économique ( Au-delà de la Grande Guerre. Belgique 1918-1928, éd. Racine, 2018). C’est aller au-devant d’une lourde et cruelle désillusion :  » la Belgique ne verra jamais la couleur de l’or allemand  » et les compensations arrachées seront dérisoires.

L’addition de la titanesque reconstruction, ce sera essentiellement pour la victime. La Belgique entame le cycle aussi durable qu’infernal du déficit budgétaire, de l’endettement, de la dépréciation monétaire et de l’inflation. Elle se familiarise avec une explosion des dépenses de l’Etat et une dette publique galopante qui atteint 140 % du PNB en 1920 et augmente spectaculairement de 26 milliards entre 1919 et 1925. Du jamais-vu.

Après-1944

La Belgique respire, la casse industrielle est cette fois limitée et permet un redressement économique rapide au coeur d’un continent sinistré. On en vient même à parler de  » miracle belge « , souligne Vincent Dujardin :  » Fin 1947, la Belgique est le premier des pays belligérants d’Europe à retrouver un niveau d’activité industrielle équivalent à celui qui était le sien avant-guerre.  » Tout paraît lui réussir, y compris l’assainissement monétaire d’envergure piloté avec succès à la Libération par le ministre des Finances, Camille Gutt.

Une douce euphorie gagne le pays et incite ses élites à se reposer sur ses acquis. Apparences trompeuses : la success story est conjoncturelle, elle repose sur un outil industriel vieilli. La  » bataille du charbon  » engagée par Achille Van Acker, emblématique Premier ministre socialiste, peut faire illusion : elle rend aux charbonnages un semblant de compétitivité qui ne fait qu’occulter les signes d’un inexorable déclin.

Ainsi, la Belgique, qui avait vainement exigé de l’Allemagne réparation financière pour les dommages subis en 1918, croit pouvoir s’offrir le luxe de snober un peu trop la main tendue par l’Oncle Sam qui vient aider au redémarrage économique de l’Europe. Le pays sollicite mollement le plan Marshall lancé en 1947, il obtiendra donc peu. Il gaspille là une occasion précieuse de moderniser son industrie.

C’est tout l’effet pervers d’une sortie de guerre moins dévastatrice qu’en 1918. Le pays épargné se trouve vite dépassé par ses principaux concurrents en pleine renaissance. L’économie belge néglige de se diversifier, faute de clairvoyance, pointe Martin Conway (Oxford) :  » Aucun des gouvernements de l’après-guerre ne se montra, jamais, désireux d’entreprendre les réformes structurelles majeures qui auraient été nécessaires pour changer la nature du capitalisme belge.  » Coupable aveuglement. Il va se payer cash.

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