Christian Makarian

Migrants : l’étrange noeud maltais

A 320 kilomètres des côtes libyennes, d’où partent clandestinement tant d’embarcations chargées de migrants, un chapelet de huit îles disséminées dans la Méditerranée ne cesse de faire parler de lui.

Depuis des années, et de façon tragiquement récurrente, Malte tient en haleine toute l’Europe en fermant ses ports aux navires qui portent secours aux naufragés jusqu’à ce que des nations plus conséquentes trouvent d’elles-mêmes une solution. Même s’il existe de bonnes raisons de douter de l’esprit de responsabilité de certaines organisations humanitaires, l’attitude de ce petit Etat pose à l’Union européenne un problème qu’il faut traiter d’urgence.

Un Etat de moins de 450 000 habitants, le plus petit de l’Union (dont il est membre depuis 2004 ; inclus dans l’espace Schengen depuis 2007 et dans la zone euro depuis 2008), semble dicter sa loi aux autres. Ou sont-ce les autres Etats qui se défaussent sur ce confetti en lui imposant le rôle de verrou d’entrée dans l’UE ? L’espace maltais est, en réalité, depuis longtemps, un lieu de passage privilégié des migrations ; le paradoxe veut que cet archipel, qui a acquis son indépendance à l’égard du Royaume-Uni en 1964, soit le résumé du gigantesque défi qui se pose à l’ensemble du continent européen. Avec Gibraltar, c’est le second couloir naturel entre l’Afrique (à 320 kilomètres, donc) et la Sicile (distante de 90 kilomètres à peine) ; on y parle la seule langue d’Europe à faire partie du groupe sémitique.

Historiquement, Malte fut phénicienne, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe et repeuplée par des colons berbères, reprise par les Normands de Sicile puis rechristianisée, hospitalière à l’égard des juifs chassés d’Espagne après la Reconquista de 1492, française, britannique et constamment sous influence italienne… En somme, une tête d’épingle dévolue au multiculturalisme, dirait-on de façon anachronique. La question n’est donc pas  » culturelle « , contrairement à ce qu’avancent les adeptes de la  » théorie du remplacement « .

L’attitude de ce petit Etat pose à l’UE un problème qu’il faut traiter d’urgence.

En réalité, en 2001, La Valette s’est vue contrainte de signer avec Rome un accord de réadmission par lequel les autorités maltaises s’engageaient à stopper les migrants transitant par leurs eaux territoriales afin de les empêcher de parvenir ensuite en Italie. L’immigration, qui était jusque-là obscure et déviée vers la Sicile, trafic en bonne partie organisé par la mafia ou la Camorra, s’expose alors au grand jour ; les chiffres explosent. Entre 2005 et 2015, l’île a accueilli 17 000 migrants, soit le pourcentage le plus élevé de l’Union par rapport à la population. Faute de structures adaptées, les autorités maltaises ont alors eu recours à des pratiques jugées souvent très dures à l’égard des migrants, le plus souvent internés dans des centres régulièrement dénoncés pour leurs sinistres conditions de vie.

Malte est aussi le lieu de la légalité variable, comme le prouve un certain nombre d’affaires. Le 16 octobre 2017, la journaliste blogueuse Daphne Caruana Galizia, qui enquêtait sur le blanchiment d’argent et le trafic d’influence autour du Premier ministre, Joseph Muscat, a péri dans un attentat à la voiture piégée. Il est ressorti de l’enquête effectuée par un collectif de journalistes issus du monde entier, Forbidden Stories, qu’un véritable système de vente de passeports existait à Malte. Compte tenu de sa fiscalité avantageuse, ce pays attire des fortunes diversement acquises ; moyennant la somme de 1,2 million d’euros et un an de résidence, il est possible à un non-citoyen de l’UE d’acquérir un passeport maltais. Or, la durée de résidence n’est, semble-t-il, pas observée par des businessmans qui auraient pu bénéficier de passe-droits en échange de pots-de-vin.

Malgré le soleil qui l’éclaire, Malte représente une part d’ombre que l’Union ne peut plus tolérer. Mais qui osera fragiliser davantage la porte sud de l’Europe ?

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