Journaliste au Vif/L'Express.

Et la transparence, bordel !

On aurait pu garder la  » tendresse  » dans le titre, comme pour le film. Mais ce n’est pas vraiment dans ce registre que nos élus sont attendus, surtout en ces temps de défiance à l’égard des mandataires. En revanche, la transparence, on est en droit de la réclamer. C’est d’abord une simple question de démocratie. Qui sont ces conseillers qui bossent pour nos ministres et bourgmestres, en ayant la main sur des dossiers aux enjeux importants, et qui sont rétribués avec de l’argent public ? Ensuite, la météo des scandales l’impose plus que jamais. Publifin et Samusocial auraient pu être des noms de cyclones. Et il faut être sacrément climatosceptique pour rester persuadé que le vent n’a pas tourné.

La transparence n’a pas encore imprégné les moeurs politiques belges. Pas partout.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le collectif Transparencia connaît un beau succès depuis sa création, il y a deux ans, et compte désormais dans le débat politique sur la transparence. Certains lui reprochent son côté fouineur voire provoc et vont même jusqu’à s’énerver. Vendredi dernier, Claude Archer, le fondateur de Transparencia, s’est fait expulser manu militari de la maison communale de Woluwe-Saint-Pierre par la police, alors qu’il venait chercher une copie de l’inventaire amiante de l’école Eddy Merckx. La transparence dérange… Elle est pourtant un droit fondamental, prévu par la Constitution (article 32 sur l’accès aux documents administratifs). A cet effet, des Commissions d’accès aux documents administratifs (Cada) ont été instituées pour les différents niveaux de pouvoir.

A Bruxelles et en Wallonie, les Cada se sont prononcées en faveur des demandes adressées aux communes par Transparencia pour connaître la composition des cabinets des bourgmestres et échevins. Dans leurs avis, les deux commissions tranchaient aussi la question de la vie privée. Cependant, plusieurs collèges communaux ont encore résisté en saisissant la Commission de protection de la vie privée (CPVP) ou l’Autorité de protection des données (APD) qui lui a succédé, après le vote de la loi sur le Règlement général sur la protection des données (RGPD), fin mai dernier. Dans tous les cas, ces collèges ont été renvoyés poliment à l’avis de la Cada, jugé suffisant. Tout ça pour ça… Leur résistance acharnée se révèle vraiment futile.

On comprend que les bourgmestres ou les ministres s’inquiètent des droits de leurs collaborateurs en matière de vie privée. C’est légitime. Et la Cada est là pour les aider à prendre position. Mais comment expliquer que, dans notre baromètre wallon (voir page 22), il y ait de telles différences entre les réponses de Tournai et Seraing ? Ou, dans le baromètre bruxellois ( Le Vif/L’Express du 14 juin dernier), entre Watermael-Boitsfort et Evere ? Chez certains bourgmestres, la vie privée est devenue un cache-sexe dérisoire. Qui ne peut qu’alimenter la suspicion envers les mandataires publics.

Qu’ont-ils à dissimuler ? Un conflit d’intérêts ? Un double emploi ? Une rémunération scandaleuse ? Les demandes de Transparencia ont justement pour objectif de dépister ces dérives. Refuser d’y répondre, malgré les avis argumentés et nuancés de la Cada, risque d’être interprété comme un aveu de culpabilité. La transparence n’a pas encore imprégné les moeurs politiques belges. Pas partout. Pourtant, cela fait plus de douze ans qu’on en parle et que les politiques la brandissent comme une promesse. C’était juste après le cyclone de La Carolo…

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