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Un prof piège ses élèves sur le web

Un professeur a piégé la toile en glissant de fausses informations dans Wikipédia et sur des sites de correction payants. Trois quarts des élèves ont mordu à l’hameçon. Retour sur l’ expérience avec Loys Bonod, le professeur qui questionne l’école sur l’utilisation des technologies de l’information.

Jeune professeur de lettres au lycée Chaptal à Paris, Loys Bonod constate que de nombreux travaux de ses élèves sont des copiés collés de sites spécialisés dans la correction en ligne. Il décide de piéger gentiment ses élèves pour leur montrer que « le web ne pense jamais à notre place ».

Une méthode en 5 points :

1.Loys Bonod trouve un poème du 17e siècle quasi introuvable sur le web, signé Charles de Vion d’Alibray.

2. Il modifie la biographie de l’auteur sur Wikipédia, en lui inventant une liaison avec Mademoiselle de Beaunais, la clé du subterfuge.

3. Loys Bonod poste des questions liées au poème sur des forums, en jouant d’abord le rôle de l’élève, puis celui de l’expert en inventant des réponses « d’apparence savante » mais avec des interprétations farfelues.

4.Loys Bonod s’inscrit comme auteur sur deux sites de corrigés payants. Les comités de lecture valident son commentaire directement.

5.Il poste des liens sur le web de ses ajouts pour améliorer le référencement sur Google.

A la rentrée, il propose aux élèves de commenter le fameux poème baroque en les exhortant de fournir un travail personnel. Résultat, trois quarts des élèves sont tombés dans le piège : 51 élèves sur 65 ont recopié les ajouts farfelus de leur prof. A la remise des copies, il dévoile la farce sous les applaudissements des étudiants.

Le blog où il relate sa petite expérience est passé de 300 visiteurs par jour à 500 000. Dans le lot des visiteurs, plusieurs détracteurs trouvent le procédé archaïque et sadique. Il rétorque qu’il n’est pas opposé à internet, étant lui-même webmaster. Il pense plutôt qu’il gêne parce qu’ « il est entré dans le monde geek par effraction et a appuyé là où ça fait mal ».

« On croit qu’internet est l’église du XXIe siècle »

Le professeur constate une régression du niveau général des élèves dans les collèges et lycées. Internet est la facilité. Lui-même addict, il refuse cependant de prêcher pour ce qu’il appelle « l’Eglise du XXIe siècle ».

Internet est pour lui un outil qui rend disponible des oeuvres, le savoir, mais ne les rend pas pour autant accessible. « Il est naïf de penser que le web pense à notre place ». « Le recours systématique à Internet, même pour des exercices de réflexion, est pour moi une abdication intellectuelle. », ajoute-t-il dépité.

Interpelé par cette expérience qui le discrédite, le site de correction Oodoc a diffusé un communiqué indiquant qu’il est au service de la diffusion du savoir. Une défense peu crédible pour Loys Bonod, qui rappelle que son faux corrigé de commentaire est resté en ligne durant 1 an et demi.

« L’école est sensée guider vers une autonomie de pensée, conclut Loys Bonod. Mais je pense que l’on ne peut profiter vraiment du numérique que lorsqu’on a formé son esprit sans lui ».
Astrid Thins (stg)

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