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« Steve Jobs a réussi à transformer un monopole en communauté »

Jean-Claude Verset, spécialiste dans les nouvelles technologies et rédacteur en chef de PC world Belgium revient sur la carrière de Steve Jobs et son influence sur le monde de l’informatique.

En quoi Steve Jobs a-t-il révolutionné l’informatique ?

Jean-Claude Verset : Je vois plusieurs raisons. Au niveau technique, il a créé le duo souris et interface graphique. Les deux existaient déjà, mais il a eu l’idée de les assembler. Ce qui comptait pour lui ce n’était pas de quoi est fait l’ordinateur, mais plutôt comment l’utiliser. On l’oublie aussi souvent, il était le premier. Le Mac est arrivé avant le PC.

Sa personnalité a également joué un grand rôle. Steve Jobs n’était pas un informaticien. C’était un intellectuel qui a appris sur le tas et il a toujours été très mystique. De là, découle son approche marketing hors du commun. Les Keynotes d’Apple, où Steve Jobs présentait ses nouveaux produits, étaient de véritables messes. La marque est parvenue à ne faire que très peu de publicité en entretenant le secret et la rumeur. Steve Jobs, lui-même, était déifié par ses fans. Et les propriétaires d’un objet Apple ont le sentiment d’appartenir à une véritable communauté. Les gens se sont identifiés à la marque et se la sont appropriée.

Et puis un design toujours très soigné a contribué au succès de la marque. Steve Jobs avait suivi quelques cours de graphisme et pour lui c’était très important que ses produits soient beaux.

Pourtant, l’utilisation d’un système très fermé chez Apple aurait pu jouer en leur défaveur.

Oui. Mais grâce à ce système fermé, l’entreprise a pu gagner énormément d’argent, car ils intervenaient à tous les niveaux de la production. Ils conçoivent leurs produits en entier, ce qui n’est pas le cas chez les autres fabricants de PC qui ne sont finalement que des assembleurs. Steve Jobs a créé un véritable monopole et depuis l’apparition du mobile il a également commencé à vendre du contenu propre, des logiciels. Il a même mis en place sa propre chaine de magasins.

C’est d’ailleurs probablement la seule critique que je ferai à Apple : son monopole. Mais contrairement à Bill Gates à qui on a reproché son monopole avec Windows, Steve Jobs l’a transformé en une image positive de garantie de qualité de ses produits pour sa communauté de fans.

Quel futur pour Apple maintenant que son visionnaire n’est plus là ?

Steve Jobs formait un binôme parfait avec Tim Cook, l’organisateur, tandis qu’il était le visionnaire. Mais il a formé des gens qui sont comme lui et on peut supposer que la reprise va bien se passer. Une enquête d’Apple réalisée en 2008, demandait aux consommateurs s’ils continueraient à acheter des produits Apple si Steve Jobs partait. 18 % avaient répondu qu’ils en achèteraient peut-être moins. En août, lors de son départ, ce chiffre était passé à 4 %. Et même 1 % déclarait qu’il commencerait à acheter Apple si Steve Jobs partait. C’est également une caractéristique unique d’Apple. On n’achète pas une Citroën parce qu’on aime son patron ! Globalement, Steve Jobs n’était déjà plus aussi déifié qu’à l’époque. Et pour 90 % du marché, le fait que Steve Jobs soit à la tête d’Apple n’a pas d’importance. Ce qui compte aujourd’hui ce n’est pas ce qu’est Apple, mais ce que fait Apple. Et c’est peut-être leur plus grand défi maintenant. Ils ont une fameuse pression sur les épaules pour la sortie du prochain produit.

Le Vif.be, MG

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