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« Votre chien vous aime, et pas seulement parce que vous lui donnez à manger »

Le Vif

Pour Steve Laureys, professeur en neurologie spécialisé en coma à l’université de Liège, il est arrogant de penser que l’humain est le seul animal doté d’une conscience. « Je trouve ça étrange. Les scientifiques ont le droit de parler de comportement, mais pas d’émotions », confie-t-il au quotidien De Morgen.

Selon Laureys, Charles Darwin a été le premier à souligner que les animaux avaient des émotions. « Je suis choqué quand je vois que cela pose problème à certains collègues. Biologiquement, il est intenable et arrogant d’affirmer que l’humain est le seul à avoir une conscience. Ce n’est d’ailleurs pas noir et blanc : la conscience est une donnée progressive », explique-t-il.

Il cite une étude où les chercheurs ont soumis des chiens à une IRM. « Au moment, où le chien regardait des images de son maître, les mêmes zones s’éclairaient que les vôtres, lorsque vous voyez votre partenaire. Cela signifie-t-il qu’un chien éprouve les mêmes émotions que vous ? Probablement pas, mais cela donne matière à réfléchir. Votre chien vous aime, et pas seulement parce que vous le nourrissez. Voilà la vérité qui dérange. »

Anthropomorphisme

Il estime que le sujet a trop longtemps été tabou, car admettre que les animaux ont une conscience témoignerait d’anthropomorphisme. « Je trouve ça étrange. Les scientifiques ont le droit de parler de comportement, mais pas d’émotions ». Il cite Jane Goodall et Diane Fossey, toutes deux célèbres pour leurs études sur les primates. Il y a quarante ans, elles affirmaient déjà que le comportement des singes dépasse les instincts et les réflexes.

« Les animaux ne sont pas qu’un ensemble de réflexes. Tout comme nous, ils ont des neurones pour faire une représentation symbolique de leur entourage et y réagir adéquatement. La vie est née dans l’eau. Les unicellulaires devaient partir à la recherche d’alimentation et apprenaient ainsi à éviter le danger. Plus la vie est entrée dans l’intérieur des terres, plus la représentation symbolique de l’environnement est devenue complexe. Un lion qui voit une antilope de l’autre côté du lac doit prendre une décision stratégique : est-ce que je traverse les bois ou le lac. Plus la représentation symbolique est riche, plus le lion a des chances d’attraper l’antilope », explique le scientifique au Morgen.

Responsabilité

Aussi recommande-t-il de reconnaître la souffrance animale. Interrogé sur ses expériences de laboratoire sur les rats, il plaide en faveur de la prudence. « En tant que chercheur, il faut être prudent, car si personne ne se sent responsable, cela peut entraîner des situations dangereuses. À mon université, j’essaie de faire en sorte que celui qui pratique l’expérience est aussi celui qui nourrit, nettoie et euthanasie l’animal. Si vous fractionnez ces tâches, vous obtenez des situations intolérables telles qu’on les voit dans les abattoirs : chacun fait son truc, sans se poser de questions », déclare-t-il au Morgen tout en ajoutant qu’il ne faut pas cesser pour autant les expériences sur les animaux. (CB)

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