Voici à quoi ressemblera le bureau de demain

Le bureau type d’aujourd’hui diffère-t-il fondamentalement du bureau d’il y a disons trente ans ? Pas vraiment, non. Nous sommes assis devant un écran d’ordinateur au lieu d’une machine à écrire électrique, buvons du thé vert au lieu de café noir, parcourons nos e-mails au lieu de mémos écrits et perdons chaque jour un temps précieux en trajets. Mais l’heure du changement a sonné… Bienvenue dans le bureau du futur !

Un coup d’oeil sur les statistiques de productivité de notre petit pays montre qu’il y a urgence. La population active est trop peu nombreuse et les travailleurs modernes se montrent trop souvent improductifs. Quelques chiffres en guise d’illustration : en Belgique, on dénombre 4,5 millions d’actifs (sur un total de 11 millions d’habitants), dont 30 % (1 sur 3, soit environ 1 500 000 personnes) travaillent à temps partiel. Cette main-d’oeuvre doit être mise à profit de manière aussi optimale que possible. Et dans ce contexte, les trajets entre le domicile et le lieu de travail représentent un premier point noir. Que vous vous déplaciez à vélo, en bus, à pied, en train, en tram, en métro ou à moto, ce n’est pas pendant vos trajets que vous pourrez gagner en productivité. Dans bon nombre de trains ou de bus, vous pouvez même être content de trouver une place assise. La solution ? Les horaires flexibles. En soi, l’un des principaux piliers du bureau de demain. Grâce à eux, les files diminuent, les usagers des transports en commun ont tous une place où s’asseoir et l’équilibre travail-vie privée s’améliore.

Tout ou rien

Et puisque l’on parle des déplacements domicile-lieu de travail, il est sans doute bon de rappeler que l’une des solutions pour réduire la perte de main-d’oeuvre pendant les heures de pointe est d’encourager le télétravail. Ceci nous amène à un autre pilier du bureau de demain : la disparition du lieu de travail centralisé. Le télétravail offre des avantages non négligeables, y compris pour les travailleurs actifs dans leur propre région. Des études ont ainsi révélé que près d’un travailleur belge sur 2 considère le travail à domicile ou le télétravail comme une solution aux problèmes de mobilité. Beaucoup fronceront sans doute les sourcils en lisant ces lignes et se diront qu’il s’agit peut-être d’une solution simple pour une partie d’entre nous, mais que d’autres n’ont d’autre choix que d’être physiquement présents sur un lieu de travail centralisé. Et ils n’auraient pas tort. Le bureau de demain n’obéit en effet pas à une vision manichéenne des choses. Les tâches de production, en particulier, nécessitent une main-d’oeuvre physique. Mais vu que la majorité de la population active de Belgique travaille dans le secteur tertiaire, il reste indiscutablement une confortable marge de manoeuvre. À vrai dire, la part du secteur tertiaire (services) ne cesse de croître et représentait en 2011 plus de 70 % du PIB national.

Nomades numériques

Horaires flexibles, télétravail : mais à quoi ressemblera donc concrètement le bureau de demain ? Il s’agira d’un bureau flexible, qui vous permettra d’exécuter vos tâches de manière aussi productive que possible, où que vous vous trouviez. Le bureau mobile de demain prend d’ailleurs déjà forme aujourd’hui. Les restos d’autoroute du pays sont ainsi devenus les nouveaux bureaux mobiles des travailleurs qui y trouvent refuge lorsque le trafic se fait trop dense et qui n’ont qu’à ouvrir leur laptop doté d’une connexion Wi-Fi pour se mettre au boulot. Avec la crise, les entreprises ont aussi pris conscience du coût des bureaux, qu’elles essaient de réduire au moyen d’espaces de travail flexibles et d’autres formules. Elles encouragent leurs collaborateurs à adopter un mode de vie plus nomade, ce dont profitent avidement d’autres entreprises. Ainsi, Autogrill, leader mondial de la restauration et des services aux voyageurs, cible-t-il ouvertement les professionnels itinérants avec ses chaînes de restaurants d’autoroute Carestel et AC. « Ces derniers représentent entre 5 et 10 pour cent de notre clientèle », estime l’entreprise. La stratégie d’Autogrill repose sur des bornes Wi-Fi fiables, un certain confort (boissons, petite restauration) et la mise à disposition de sanitaires, autant d’éléments habituellement présents dans les bureaux centralisés.

Le café pour nouveau bureau

Regus, premier fournisseur mondial d’espaces de travail professionnels à la demande, confirme l’essor de ces « tiers-lieux ». Une nouvelle enquête indépendante menée auprès de 17 000 entreprises, étayée par des entretiens approfondis avec des hommes d’affaires du monde entier, fait éclater le mythe selon lequel travail flexible ou télétravail seraient obligatoirement liés au domicile. Le rapport révèle que le travail dans des « tiers-lieux » – ni bureau, ni domicile – s’impose comme la nouvelle norme. Ces « tiers-lieux » peuvent être un centre d’affaires, une bibliothèque, ou un lieu aussi informel qu’un café. Il ressort en outre de l’enquête que le travail dans un « tiers-lieu » offre de nombreux avantages, tels qu’un meilleur équilibre travail-vie privée, une réduction du stress et une productivité plus élevée pour les travailleurs, ou encore la rentabilité, l’évolutivité et la diminution des frais immobiliers pour les entreprises. « Cette enquête montre à quel point le « tiers-lieu » s’est banalisé dans le monde du travail. Chez Regus, nous constatons également une tendance à la hausse », affirme Mark Dixon, CEO de Regus. « Le contexte technologique, économique et social actuel crée des opportunités pour tous et présente de nouveaux enjeux pour les entreprises. Celles-ci doivent par exemple relever un défi majeur : attirer et fidéliser les talents. En améliorant les conditions de travail, les « tiers-lieux » participent à la réalisation de ces objectifs », ajoute le professeur Ziona Strelitz, qui a rédigé le rapport d’enquête.

Isolement social

Il reste néanmoins un obstacle de taille à surmonter avant de devenir des nomades numériques à part entière : l’être humain lui-même et son fonctionnement. De nature, l’homme est une créature habituée à vivre en collectivité. Autrement dit, nous apprécions de retrouver nos collègues chaque matin, de papoter autour d’une tasse de café, d’organiser des réunions et de discuter. Bref, d’être ensemble. C’est la raison pour laquelle le télétravail rebute autant de gens, effrayés par la perspective de l’isolement. Dans le bureau de demain, vous n’aurez pourtant pas à craindre de perdre le contact avec vos collègues. Au contraire, en plus des anciens, vous en rencontrerez de nouveaux sur votre lieu de travail mobile. Les freins au télétravail en tant que composante cruciale du bureau de demain doivent donc être envisagés sous un angle sociologique. Nombreux sont ceux qui ne peuvent se passer des synergies et de l’objectif commun qui les unissent aux personnes travaillant autour d’eux ; cela les motive sans les distraire. Votre patron est lui aussi dans le même bateau. Il veut garder contact avec vous, ne serait-ce que pour s’assurer de votre productivité. Au sein du bureau de demain, il devra donc adapter son attitude générale et son style de leadership en particulier et adopter une approche davantage orientée résultat.

Collaboration communautaire

Restons un instant dans le domaine de la sociologie : le bureau de demain va aussi vous obliger à modifier votre propre façon de travailler. Le travail sera de moins en moins lié à une fonction (comprenez : un rôle prédéfini et les responsabilités y afférentes) et s’inscrira davantage dans une démarche communautaire. Les grands stratèges d’entreprise ont déjà commencé à transposer les avantages des réseaux sociaux à succès dans la sphère professionnelle. En comparant l’emploi de la messagerie électronique à des solutions de type communautaire (groupes de discussion sur intranet, forums en ligne, etc.), ils ont découvert que les réponses à des questions-clés posées par les collaborateurs de l’entreprise émanaient souvent de collègues qui ne s’étaient encore jamais rencontrés. Ce constat contredit donc l’idée selon laquelle les solutions aux problèmes professionnels proviendraient toujours de la même source, de collègues en proximité directe ou de gens portant l’étiquette d’expert au sein de l’organisation. Pour donner forme à ce modèle de collaboration communautaire – lequel constituera l’épine dorsale du bureau de demain – les entreprises devront de plus en plus faire appel à des outils spécialisés, comme les logiciels d’ e-mail mapping, en vue de cartographier et d’optimiser ces communautés virtuelles de travailleurs, indépendamment des descriptifs ou titres de fonction.

La vérité est au milieu

Que nous réserve encore le bureau de demain ? Une automatisation plus poussée, c’est certain. Mais le jour où un robot vous apportera votre petit-déjeuner au bureau est malheureusement encore loin. De même, s’il est déjà en partie possible de jouer les Tom Cruise dans « Minority Report » en faisant glisser toutes sortes d’informations sur des écrans de verre (iPad, écrans de télévision ou d’ordinateur, bornes ou guichets d’information publics,….), nous ne sommes pas encore près de passer des journées entières à gesticuler devant de tels écrans. À moins que ce ne soit dans le cadre de projets collectifs, nécessitant la collaboration de plusieurs collègues ; songez par exemple aux tableaux blancs interactifs ( smartboards) que nous connaissons déjà. Les ordinateurs portables et les stations de travail mobiles vont continuer de s’affiner. Cette tendance découlera du développement de nouvelles technologies, mais aussi du fait que les informations seront de plus en plus souvent stockées dans le cloud, sur un ordinateur situé n’importe où dans le monde. Les applications flotteront elles aussi quelque part dans les nuages. Un tout nouveau discours éthique devra se mettre en place afin de déterminer ce qui sera ou non acceptable lorsque vous déciderez de transférer toutes vos informations et/ou votre lieu de travail virtuel à l’autre bout du monde. Excitant, non ?

Pascal Dewulf

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