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Une pile vivante découverte en mer du Nord

Le Vif

Une équipe internationale de chercheurs marins de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et de l’Institut néerlandais de recherche marine (NIOZ) ont découvert de longues bactéries filiformes qui produisent de l’électricité, et font ainsi fonctionner le fond de la mer comme une pile électrochimique.

« En effectuant des recherches ciblées en mer du Nord, nous avons découvert qu’il existait dans les fonds marins des bactéries capables de produire de l’électricité« , explique le professeur Filip Meysman, qui dirige l’équipe de recherche. « L’examen approfondi des archives génétiques nous a permis de savoir que ces micro-organismes s’abritent dans une variété d’habitats océaniques, comme les marais à mangrove, les fonds marins sous les fermes de poissons et même les cheminées hydrothermales des eaux profondes. C’est la preuve qu’il reste sans doute beaucoup à découvrir dans les fonds marins, même ici en mer du Nord. »

« Les bactéries sont 100x plus fines qu’un cheveu, et se présentent sous la forme d’un long filament composé de milliers de cellules qui échangent des électrons », précise P. Meysman. « En produisant de l’électricité, elles tirent de façon ingénieuse leur énergie des fonds marins. La partie inférieure du filament est enfouie à quelques centimètres de profondeur du fond marin, où elle puise des électrons dans des composés sulfurés riches en énergie. Ensuite, les électrons sont transmis de cellule en cellule. Dans la partie supérieure, les électrons sont libérés par d’autres cellules vers l’oxygène, qui n’est présent que dans une très fine couche à la surface du fond marin. Un courant électrique est ainsi produit dans le fond de la mer, de bas en haut. C’est la première fois qu’une pile biologique aussi sophistiquée est découverte dans la nature. »

Une nouvelle forme de vie

Toutes les cellules vivantes ont besoin d’énergie, et leur approvisionnement énergétique s’effectue de manière similaire, qu’il s’agisse de bactéries ou d’éléphants. La règle du « chacun pour soi » s’impose : chaque cellule vivante produit sa propre énergie. Les bactéries qui viennent d’être découvertes sont uniques en ce sens que les différentes cellules de la bactérie « interagissent » pour leur approvisionnement en énergie. Différentes cellules sont donc responsables d’une partie de l’apport énergétique. « Le mécanisme par lequel ces bactéries produisent de l’électricité et transportent des électrons sur de grandes distances, a de quoi surprendre les microbiologistes », poursuit P. Meysman. « Cela bouleverse totalement notre conception de la façon dont les cellules peuvent interagir. C’est comme si vous aviez deux frères, dont l’un inspirerait uniquement et l’autre expirerait. Cela montre à quel point l’évolution biologique peut être ingénieuse. »

La conduction efficace d’électricité dans les matériaux organiques est le Saint Graal de la science des matériaux. De nombreuses recherches ont été menées dans ce domaine, notamment afin de pouvoir concevoir des cellules solaires légères et flexibles. Il apparaît à présent qu’une bactérie présente dans les fonds marins a déjà inventé ce mécanisme. « Comprendre leur fonctionnement ouvrirait la voie à des recherches novatrices sur les matériaux et applications bioélectriques », explique P. Meysman.

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