Le défi est, entre autres, d'extraire l'ADN d'organismes du passé. © BLOOMBERG/GETTY IMAGES

Un parfum aux fragrances de plantes disparues

Le Vif

Séquence fiction. La bouche en coeur, un fac-similé de Marilyn susurre, tel son illustre modèle :  » Pour dormir ? Juste quelques gouttes d’Eau d’extinction.  » Y a-t-il meilleure dénomination pour un parfum exhalant des senteurs de plantes disparues depuis deux siècles ? Cette prouesse technique est en train de naître sur les paillasses de Ginkgo Bioworks.

Derrière les murs de cette entreprise de bioingénierie sise à Boston, se cache un brasserie pas comme les autres. Point de malt ni de bière dans les cuves de fermentation, mais des levures génétiquement modifiées pour copier les voies biochimiques empruntées par les plantes pour produire leurs effluves. Les composants chimiques dominants de ces parfums sont des terpènes. C’est-à-dire des molécules hydrocarbonées dotées d’une forte odeur typique comme le menthol, la citronnelle ou encore le camphre.

La méthode, aussi impressionnante soit-elle, est bien rodée. Du moins avec des végétaux contemporains. Ce sont ainsi des levures OGM qui turbinent pour produire les terpènes du parfum Patchouli absolu de Tom Ford.

Mais parvenir à imiter les plantes vivantes, ce n’est pas suffisant pour les ingénieurs de Gingko Bioworks. Ils ont imaginé faire revivre le parfum de plantes disparues. En mai 2016, au coeur même de l’herbier géant de l’université de Harvard, ils en ont sélectionné une douzaine dont l’extinction est intervenue au cours des deux siècles derniers. Il y a notamment un hibiscus hawaïen et l’olivier de Sainte-Hélène (Nesiota Elliptica), un buisson odorant endémique de l’île du même nom. A l’état sauvage, le dernier représentant de cet olivier est mort en 1994. En dépit d’efforts pour sauvegarder l’espèce en la cultivant, elle fut considérée comme éteinte en décembre 2003.

L’étape suivante, non encore achevée, consiste à extraire l’ADN de ces organismes du passé. Et ce dans le but de parvenir à isoler les gènes responsables de la production de terpènes odorants spécifiques. Pour ce faire, l’entreprise collabore avec l’une des plus grandes spécialistes de l’ADN ancien et de son séquençage, Beth Shapiro. Cette biologiste américaine fait partie du groupe de savants fous qui tentent de faire revivre les mammouths…

A noter que le but recherché par les bioingénieurs de Ginkbo Bioworks n’est pas de ressusciter des plantes disparues.  » Mais en ramenant leur parfum à la vie, nous espérons sensibiliser le monde à la question de la perte de la biodiversité « , explique Angelina Agapakis, codirectrice de l’entreprise.

Reste à savoir si les effluves ramenés d’outre-tombe fleureront à l’identique de leurs ancêtres. Rien n’est moins sûr, car le parfum d’une plante ne se résume pas aux terpènes, mais résulte d’une combinaison complexe de molécules d’autres familles, plus difficile à produire.

Par Laetitia Theunis.

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