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Seniors : sexe, viagra et rock’n roll

L’amour n’a pas d’âge et la libido ne connaît pas de limite. Surtout pour les boomers qui ont fait Mai 68 et inventé la libération sexuelle…

Le sexagénaire, s’il faut en croire le langage, serait-il enfin arrivé à l’âge du sexe? Et si l’écrivain belge Jacques Sternberg avait raison? D’après une enquête TNS Sofres 2009 sur la sexualité des Français, 64 % des sexagénaires et 42 % des septuagénaires interrogés estiment que la sexualité joue un rôle important dans leur vie. Et de plus en plus! En 1970, 53 % des femmes de plus de 50 ans déclaraient avoir eu des rapports sexuels au cours des douze derniers mois. En 2008, d’après une enquête Inserm, c’était le cas de 90 % d’entre elles. Bonne nouvelle, il n’y a donc pas de date de péremption pour pratiquer cette joyeuse activité, d’autant moins qu’elle est chaleureusement recommandée par tous les médecins. En outre – privilège de l’âge -, l’expérience en la matière compense largement les outrages du temps.

Existe-t-il un érotisme senior? « Ma réponse est oui, et c’est même le meilleur! lance joliment un internaute senior. En effet, les jeunes n’ont pas besoin d’érotisme: ils ont des hormones en quantité pour réaliser leurs prouesses! Nous, par contre, nous avons besoin de faire appel à notre imaginaire, soit pour revisiter notre passé amoureux ou sexuel soit pour jouir d’un environnement érotique stimulant. » Il n’y a désormais que de jeunes nigauds pour trouver inconvenant l’évocation d’une sexualité chez les « vieux » de 50 ou 60 ans. Et ne parlons pas des TGV, ces Très Grands Vieux qui veulent s’envoyer en l’air dans les maisons de retraite !

Les seniors du troisième millénaire pratiquent l’échangisme, achètent des sex toys, recherchent des partenaires de jeux érotiques si ce n’est de nouvelles amours. « C’est une génération qui a connu Mai 68 et l’âge d’or de la sexualité libérée, explique Pascal Duret, sociologue à l’université de la Réunion et auteur du Couple face au temps (Armand Colin, 2007). Pourquoi faudrait-il qu’ils s’en privent aujourd’hui? »

Accepter le corps de l’autre

Cela dit, soyons francs: Vieillir et jouir pour reprendre le titre de l’essai de Roger Dadoun et Gérard Ponthieu (Phébus, 1999), n’est pas forcément chose facile. Pascal Duret décrypte trois cas de figures qui touchent les couples de seniors. Il y a ceux que leur physique vieillissant ne gêne pas et qui font ensemble le deuil de leur ancien corps, en toute complicité et sans (trop) de regrets. Deuxième catégorie: l’un des deux veut absolument conjurer le temps qui passe à coups de régime et d’activité physique intense. Ce stakhanoviste des salles de gym ne cesse de culpabiliser son conjoint de ne pas agir de même et lui « pourrit la vie », comme disent les « djeunes ». Enfin, il y a ceux qui sont gênés par le corps… de l’autre. Eux ne se voient pas vieillir mais fustigent leur conjoint de ne pas rester jeune! « Ce qui est sûr, ajoute le sociologue, c’est qu’il n’y a pas de liberté sexuelle sans la liberté d’oublier les maux de son corps et de celui de l’autre. » Si, au moment de l’orgasme, monsieur (ou madame) garde en tête le numéro du Samu au cas où, il est à craindre que cela contrarie bien des ardeurs.

A la cinquantaine, le problème est un peu différent. « On a envie de faire l’amour, dit le sociologue, mais pas au même moment… il faut donc arriver à synchroniser son désir. » Mais que l’on soit quinquas, sexa ou septua, « on ne fait bien l’amour qu’avec une personne de son âge », ajoute Pascal Duret. Ah bon? Le démon de midi, le « syndrome Johnny » ne toucheraient-ils que les vedettes? Non, bien sûr, mais alors que les pratiques sexuelles évoluent quand même assez peu, il est difficile sur le long terme de tenir le coup avec un partenaire beaucoup plus jeune. « Les plus âgés ne cessent de se dire: « il faut que j’assure, que je perde ma brioche, mes bourrelets, etc. » Cela ne facilite pas une sexualité libre. »

Le Viagra ne résout pas tous les problèmes, surtout pas ceux qui se situent dans la tête. Mais la pilule bleue a cependant un effet secondaire inattendu sur les messieurs: l’augmentation de leur espérance de vie (de sept ans plus courte que leurs compagnes). Dans le journal britannique The Telegraph, Nick Flint du Club Vita, une organisation qui gère des fonds de pension, confirme que « les hommes sont en effet en train de rattraper les femmes, en partie parce qu’ils sont plus enclins à aller chez le médecin que par le passé (notamment pour se faire prescrire du Viagra, NDLR). Par conséquent, davantage de maladies sont diagnostiquées plus tôt ». A un certain âge, les dames sont aussi confrontées à des problèmes inédits. Une « cougar » de 62 ans avoue ainsi avoir été gênée par le regard de son amant quadragénaire sur sa fourrure… pubienne: « J’ai réalisé que les jeunes femmes étaient toutes rasées intégralement ou presque. Pour ma génération, c’est un truc de p… ! » Sans parler du port du string, jugé par les seniors inesthétique et particulièrement inconfortable. Si la persistance des besoins sexuels est de plus en plus admise, la sexualité et l’indispensable désir préalable rencontrent d’autres obstacles que la chute des corps.

« La retraite peut être un passage difficile pour le couple, explique Philippe Hofman, psychologue clinicien, consultant dans une caisse de retraite, et auteur d’Une nouvelle vie pour les seniors, psychologie de la retraite (Albin Michel, 2005). Les rituels de l’existence changent, les hommes se tournent vers l’intérieur, le bricolage ou le jardinage, la lecture ou la télé. Qu’importe l’occupation, le problème est… qu’ils restent à la maison! Les femmes voient subitement leur espace envahi et n’apprécient guère. Le premier des conflits tourne généralement autour du repas de midi. Madame se contente souvent d’un yogourt sur le pouce tandis que monsieur veut un vrai déjeuner… » De nombreux réajustements deviennent nécessaires. Philippe Hofman conseille tout d’abord de faire un second « voyage de noces » au début de la retraite, histoire de bien commencer cette nouvelle tranche de vie. Côté sexe, « beaucoup de femmes se disent moins intéressées mais sont les premières à se plaindre du peu d’entrain de leur partenaire… tant qu’il y a de la tendresse, cela peut aller mais il faut faire attention à la perte d’intimité physique », ajoute le psychologue. Les couples seniors sont cependant de moins en moins « coincés ». Ils pratiqueraient même l’échangisme ! « Ne nous leurrons pas, explique Philippe Hofman, ce sont surtout les hommes qui souhaitent ainsi pimenter leur vie sexuelle. »

Quoi qu’il en soit, le taux de divorce au moment de la retraite est en constante augmentation: + 39 % depuis 1985. Des chiffres qui suivent la courbe ascendante des divorces, tous âges confondus. Mais, fait nouveau, après 60 ans, ce sont les hommes qui initient les séparations. Pour revivre aussitôt en couple, au contraire des femmes. « Ce n’est pas qu’elles refusent l’amour ou le sexe, dit Philippe Hofman, mais elles ne veulent plus des contraintes de la vie à deux et préfèrent garder leurs compagnons uniquement pour les bons moments. » Pas folles… Mais le prix à payer pour préserver son indépendance et refuser de passer l’aspirateur dans l’appart de monsieur demeure élevé. « Je ne vois jamais d’hommes seuls dans mon cabinet, reconnaît le clinicien parisien. Mais beaucoup de femmes, veuves ou divorcées, qui ne savent pas forcément bien gérer cette nouvelle vie de célibataire. » Sept millions de célibataires des deux sexes et de plus de 55 ans sont actuellement sur le marché de l’amour. Et Mick Jagger chante toujours I can’t get no satisfaction…

PAR LAURENCE PIVOT, L’Express.fr

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