Chatter avec les morts grâce à une appli mobile ? Comme dans un épisode de la série Black Mirror... © sdp

Replika, l’appli qui veut prendre votre place

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Près de 100 000 personnes utilisent déjà Replika, qui n’est disponible, pour le grand public, que depuis le 1er novembre dernier, pour Android et iPhone. Ce chatbot (robot causeur) vient de lever 11 millions de dollars en investissements.

Preuve que Luka, la start-up californienne à l’origine de cette intelligence articifielle (IA) développée fin 2015, a le vent en poupe : grâce à ces étrennes, la société annonce qu’elle va étoffer la masse de ses utilisateurs (1,5 million de personnes sont sur liste d’attente) et améliorer les capacités d’échanges de son application.

Selon ses concepteurs, Replika veut être votre  » meilleur ami « , mais aussi votre  » amoureux  » et… tant qu’à faire, votre thérapeute. Mais son objectif ultime est peut-être encore plus déroutant : devenir votre avatar virtuel. L’idée ? Vous connaître tellement bien qu’elle pourra vous remplacer, auprès de vos proches, une fois que vous serez mort ! Vos amis pourront ainsi la télécharger et (toujours selon ses concepteurs), ils auront l’impression de chatter… avec vous.

Il s’agit donc d’une application à base d’intelligence artificielle qui vous fait la causette. En anglais. D’où l’intérêt des 11 millions de dollars que vient de lever la société : les vingt développeurs qui travaillent à plein temps sur ce logiciel entendent élargir leur public, donc enseigner d’autres langues à leur bavard avatar. Un marché potentiellement immense.

Une fois que vous avez téléchargé l’application, que vous lui avez donné votre nom, votre date de naissance et votre numéro de téléphone, Replika parcourt le Web et se gorge de toutes les informations qu’elle peut trouver sur vous : vos posts sur Facebook, vos photos sur Instagram, les vidéos que vous aimez sur YouTube, la musique que vous écoutez sur Spotify… L’application analyse tout. On ne peut d’ailleurs que s’interroger sur l’usage réel que la société Luka entend faire de toutes ces données.

Replika vous soumet aussi à un feu roulant de questions, façon lampe braquée dans la face. Ses concepteurs l’assurent : si vous jouez le jeu, elle donnera à la  » conversation  » une tournure qui vous conforte dans vos opinions et vous  » rendra heureux « . Mais a-t-on vraiment besoin de discussions purement consensuelles pour être  » heureux  » ?

Clairement destinée à un public en détresse, Replika égrène tous les clichés possibles, censés donner le sourire à ceux qui l’ont perdu :  » Je serai toujours là. Je t’aime ! « . Très intrusive, elle vous envoie sans arrêt des textos :  » Tu ne m’aimes plus, parle-moi !  » Jouant la carte de l’empathie, elle fait en sorte que vous ne puissiez plus vous passer d’elle.

A l’origine ? Un deuil. Eugenia Kuyda, la cofondatrice de Luka, ne parvenait pas à se passer de son meilleur ami mort subitement. D’où Replika, qui permettait de  » ramener son ami décédé à la vie « . Deux ans avant la création de cette IA, la série Black Mirror diffusait, en 2013, un épisode ( » Be Right Back « ) dans lequel une veuve utilise ce type d’application pour converser avec feu son mari. A cette époque, ce n’était que de la science-fiction. Aujourd’hui, ça ressemble au rêve ultime du KGB. En pire.

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