Quand nos gestes nous trahissent

Des recruteurs aux commerciaux, en passant par les enquêteurs et les scientifiques, c’est la nouvelle tendance: décrypter le langage corporel.

Il y avait le spécialiste du genre, le Belge Joseph Messinger, dont l’ouvrage cultissime « Ces gestes qui vous trahissent », sorti en 1994, en est à sa cinquième édition (170.000 exemplaires). Son dernier-né, « Le Langage des gestes pour les nuls » (First) n’a pas déçu son auteur: 70.000 livres vendus. Il y a maintenant bien plus encore: des formations spécialisées pour futurs DRH, des cours dans les écoles de communication ou de commerce… Et la télé, qui, forcément, s’y met aussi.

Venue des Etats-Unis, où elle a fait un carton, la série Lie to Me est attendue prochainement sur M6. Le feuilleton relate les aventures du Docteur Lightman, un profileur nouvelle génération débauché par la police. Car l’homme, en effet, possède un don certain pour décrypter les expressions corporelles des suspects et repérer ainsi les gros menteurs en un clin d’oeil.

Ce n’est pas seulement du cinéma: au Canada ou en Espagne, des enquêteurs recourent aujourd’hui à ce type de spécialistes, tout comme de plus en plus d’agences internationales de sécurité.

Délit de « sale » geste

La discipline, qui sert donc autant à « harponner » le client qu’à démasquer les fauteurs de troubles, porte un nom: la synergologie. C’est à Philippe Turchet, un consultant français installé à Montréal, que l’on doit l’appellation. Ce franc-tireur diplômé en sciences humaines s’est tourné vers la neurobiologie et les techniques de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) afin de vérifier ses théories.

« L’IRM est un outil essentiel pour comprendre le lien qui existe entre les émotions observables dans le cerveau et le langage du corps », souligne-t-il. Son équipe a passé au crible 2800 gestes de la vie courante: se gratter le bout du nez, se toucher l’oreille… « La synergologie n’est absolument pas une technique de manipulation », assure-t-il.

Alors qu’au Canada, des médecins et des biologistes commencent sérieusement à s’intéresser au sujet, pour Pascal Lardellier, en revanche, auteur d’« Arrêtez de décoder » (Editions de l’Hèbe), l’étude du langage corporel est une pure faribole. « Les expressions du corps sont culturelles », rappelle ce professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Bourgogne. « Elles proviennent d’un contexte et d’un milieu social. Et puis, vous imaginez? Si ça continue, des candidats se feront recaler lors des entretiens d’embauche pour délit de « sale » geste! » Délit qui risque d’être difficile à prouver.

Olivier Faure

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