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Quand les urgences évoluent en service de permanence

Les services d’urgence sont de plus en plus sollicités. Des statistiques montrent une augmentation annuelle de 5 à 6% du nombre de patients. De service restreint ancré à l’hôpital, les urgences sont, aujourd’hui, devenues la porte d’entrée des hôpitaux.

L’accroissement de fréquentation des services d’urgence est général pour l’ensemble du territoire. Pour faire face à cette augmentation, les hôpitaux ont dû adapter leurs services au niveau de l’organisation, mais aussi d’un point de vue structurel.

L’urgence vraie et l’urgence ressentie

En 50 ans, la société a fortement évolué en termes de communication, d’information, mais aussi et surtout de confort de vie. Selon le Dr Paul Janssen, directeur médical du CHR du Val de Sambre et médecin urgentiste : « Nous devons aujourd’hui faire la distinction entre l’urgence vraie et l’urgence ressentie. La première évoque l’urgence médicale, celle définie par le médecin tandis que l’autre représente le degré d’urgence selon le patient ».

Il peut donc y avoir une vision très différente entre le patient et le médecin sur la notion d’urgence. « Aujourd’hui, les gens ont tendance à considérer les urgences comme un service de Touring secours. Si le médecin de famille n’est pas disponible tout de suite, le patient préfèrera se rendre aux urgences plutôt que d’aller voir un confrère » indique le docteur P. Janssens.

Un tri pour du bon travail

Face à cette augmentation du nombre de patients, les médecins urgentistes ont dû adapter légèrement leur méthode de travail. Il devient impératif d’effectuer un tri des patients lors de leur admission aux urgences. Selon des critères médicaux précis, les urgentistes vont traiter prioritairement les patients qui demandent des soins réellement urgents.

« Une bon médecin urgentiste est certainement celui qui fera un tri efficace. Mais c’est aussi une énorme responsabilité. Le médecin est, à la fois, obligé de trier, mais il n’a pas le droit à l’erreur et risque parfois sa carrière. De plus, les gens ne comprennent pas toujours pourquoi ils ne sont pas prioritaires » ajoute le Dr Janssens.

Une demande d’immédiateté et de rentabilité
Aux urgences, les patients ne conçoivent pas toujours que le premier arrivé n’est pas le premier servi. « Le patient a besoin d’être soigné dans l’immédiateté quelque soit sa pathologie. Certains ne comprennent pas que médicalement, une douleur à la poitrine est plus sérieuse qu’un doigt coupé. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à appeler l’ambulance juste pour espérer avoir la priorité » explique Paul Janssens.

Certains médecins éprouvent aussi de plus en plus de frustration par rapport à l’image que les patients ont d’eux. Selon Paul Janssens : « Certains patients ont tendance à assimiler les urgences et même d’autres services médicaux comme une activité commerciale. À partir du moment où il paye, le patient exige un service immédiat et 100% de résultat. Or, nous ne fonctionnons pas comme un fastfood qui ouvre systématiquement une nouvelle caisse lors des grosses influences ».

Un futur toujours incertain pour les urgences

Au-delà des constats, se pose la question de l’évolution du service des urgences dans le futur ? Une chose est certaine, la médecine a terriblement amélioré le confort de l’homme. Mais cette victoire possède aussi son revers de médaille. « Aujourd’hui, les gens estiment qu’ils ne peuvent plus ressentir la douleur. Avant les patients se rendaient aux urgences à la dernière minute et même souvent trop tard. Aujourd’hui c’est l’effet inverse. Les progrès de la médecine ont rendu la population allergique à la douleur et nous, les médecins, devons en assumer les conséquences en soulageant les gens » explique le Dr Janssens.

En quelques dizaines d’années, la notion d’ « urgence » a évolué et le service d’interventions rapides s’est mué en un service de « permanence », « d’infirmerie de quartier ». Et de plus en plus, les médecins urgentistes sont amenés à promulguer une aide sociale ou psychologique aux patients. Cette évolution pourrait donc encore bien redéfinir le rôle des « urgences » vers un service d’assistance. Mais pour en arriver là, « il faudrait d’énormes moyens financiers pour adapter les infrastructures et diversifier le personnel pour assurer une aide sociale complémentaire ».

S. Uyttenhoef

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