Quand les cultures européennes sont gérées par satellite
L’Europe a le système satellitaire d’observation de la Terre le plus sophistiqué au monde. Le 7 mars dernier, le satellite Sentinel 2B de l’Agence spatiale européenne, le cinquième satellite du programme européen de surveillance environnementale Copernicus, était placé sur une orbite géosynchrone, à 800 km d’altitude.
Il est le jumeau de Sentinel 2A, mis sur la même orbite le 23 juin 2015. Ces deux satellites évoluant à 180 ° l’un de l’autre, chaque point de la Terre situé entre les latitudes 56 ° sud et 84 ° nord sera désormais photographié à haute résolution tous les cinq jours. Soit deux fois plus souvent qu’auparavant.
A bord de ces satellites, un instrument optique multispectral pour des prises de vue à large bande (290 km de large). Cet instrument a été spécialement conçu pour observer la végétation et son évolution. Outre les longueurs d’onde du visible, il mesure les quantités d’énergie dans trois bandes spectrales sur la bordure infrarouge. C’est inédit et cela porte à treize le nombre de bandes spectrales observées simultanément. C’est quatre de plus que les satellites environnementaux américains.
A 800 km d’altitude, les détails terrestres ne recèlent plus aucun mystère. On parvient à distinguer les différents types de culture en identifiant la signature spectrale de chaque variété. Mais aussi à obtenir des indices révélant leur état, données indispensables pour surveiller leur croissance avec précision : concentration foliaire ou encore teneur des feuilles en chlorophylle et en eau.
La capacité d’observation étant désormais doublée, cela augmente les chances d’avoir des images claires, donc sans nuage, aux stades clés de la croissance des végétaux cultivés. Comprenez par là » à des moments utiles pour que l’agriculteur puisse prendre des décisions en matière de gestion de culture, explique le professeur Pierre Defourny, du Earth and Life Institute de l’UCL. Par exemple, décider de mettre ou non une dose d’engrais supplémentaire sur le blé. » Ou de traiter chimiquement une maladie dont on voit désormais l’évolution et l’extension géographique en cinq jours.
Outre l’estimation de la biomasse verte sur les territoires, les images prises par Sentinel 2A et 2B permettent d’estimer rapidement l’étendue de l’impact des sécheresses ou des inondations sur les parcelles. » On sait en quantifier l’impact en pourcentage de champs affectés, et même indiquer quelles parties de chaque champ sont effectivement touchées « , poursuit-il.
Aussi, le duo de satellites permet d’estimer la teneur en azote des végétaux grâce à la mesure de la concentration de leurs pigments chlorophylliens. Autrement dit, » si la teneur en chlorophylle d’une culture est très élevée, on en déduit qu’il n’est pas nécessaire de lui ajouter des engrais azotés. Cela permet un meilleur dosage des engrais et donc moins de pollution azotée « , détaille Pierre Defourny. L’agriculture est à l’aube d’une nouvelle ère. ?
Par Laetitia Theunis.
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