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Pouvons-nous « pirater » la photosynthèse pour nourrir le monde?

Les plantes ont fait de la photosynthèse un mécanisme de survie efficace dont les scientifiques ont du mal à saisir le concept. Cela serait pourtant utile pour augmenter la production agricole. Le point sur la situation.

La photosynthèse a été l’une des innovations naturelles les plus importantes vers une vie complexe. Les plantes ont, au cours de leur longue histoire, développé un mécanisme leur permettant de réduire le dioxyde de carbone de l’atmosphère par l’eau absorbée via les racines à l’aide de l’énergie solaire captée par les feuilles avec libération d’oxygène afin de produire des glucides. Par conséquent, cela augmente la quantité d’oxygène dans l’atmosphère de manière considérable et une vie avec des poumons ou d’autres fonctions perméables à l’air peut survenir. Sans photosynthèse, nous n’existerions pas, ou en tout cas pas sous notre forme actuelle.

Les scientifiques avancent à tâtons sur les origines de la photosynthèse. Ils pensent que le processus a débuté depuis environ un milliard d’années, quand la vie animale complexe était encore loin. Ils sont étonnés que le processus n’ait jamais vraiment été affiné : maximum 5% de l’énergie solaire qui pénètre la plante est convertie en sucres et en croissance. C’est extrêmement inefficace. Mais il peut être naturel qu’une plante ne puisse tout simplement pas bénéficier d’une croissance plus rapide ou plus importante.

Les humains ont fait de la croissance un fétiche. Sachant qu’il faudra nourrir plus de 9 milliards de personnes d’ici 2050, on recherche fébrilement des techniques pour augmenter notre approvisionnement alimentaire d’au moins 50%. Depuis quelques temps, on se penche fortement sur la photosynthèse. Si nous pouvons améliorer la photosynthèse de certaines plantes, alors nous pourrons augmenter de manière significative la production agricole : c’est le point de départ.

Trois domaines d’action

Toucher au mécanisme de la photosynthèse est tout sauf aisé, selon un récent tour d’horizon dans la revue Nature. La photosynthèse n’est en fait pas un processus simple. C’est une réaction en chaine d’évènements physiques et chimiques qui conduisent à la formation de glucides pour les plantes. Les scientifiques examinent chaque étape au microscope et voient si une amélioration est possible. Leur recherche se déroule aujourd’hui dans trois domaines.

Pour commencer, il y a le phénomène que les scientifiques appellent « la crème solaire végétale ». Les plantes aussi sont sensibles à des niveaux excessifs de rayons du soleil. Par conséquent, ils ont des pigments qui réfléchissent la lumière lorsqu’il y en a trop. Lorsque la lumière diminue, il faut quelques minutes pour que ces pigments soient à nouveau désactivés. Dans les champs, les feuilles supérieures peuvent faire rebondir la lumière de telle sorte que les feuilles inférieures (ou les plantes les plus petites) en reçoivent trop peu pour assurer une croissance optimale. Conclusion des scientifiques : si on bloque ce mécanisme, on augmente le rendement de la plante.

Fin 2016, la revue Science a publié de premiers résultats prometteurs. En remaniant l’action de trois gènes qui jouent un rôle dans la production de pigments de contrôle solaire, le rendement de plants de tabac dans un champ a été augmenté de 15 à 20%. Au lieu d’ajouter des gènes d’un autre organisme, les chercheurs ont stimulé artificiellement les gènes de la plante en question.

Réduire les chloroplastes dans les feuilles de la plante : c’est la deuxième manière de mettre la main sur la photosynthèse. C’est la chlorophylle qui est concernée dans ce procédé. Réduire la chlorophylle pour stimuler la croissance semble contre-intuitif, mais si les feuilles supérieures ont trop de chlorophylle, le flux de lumière du soleil vers celles du bas est insuffisant. La propagation de cette lumière à toute la plante améliore la croissance.

La troisième possibilité se trouve dans la phase suivante de la photosynthèse, la transformation de l’énergie en glucides. Une étude publiée dans Nature Communications décrit comment les scientifiques peuvent améliorer le transfert d’énergie avec l’imagerie ultra-rapide. L’ensemble du processus de conversion de la lumière ne prend que quelques milliardièmes de secondes. Cependant, il y a des « goulots d’étranglement » : le maillon le plus lent est, semble-t-il, la transmission d’énergie à l’endroit où la conversion en sucres se produit. En outre, une plante prend beaucoup plus d’énergie que nécessaire pour produire les glucides. Rien de grave : l’excès d’énergie se dissipe tout simplement sous forme de chaleur. Mais si on pouvait convertir plus d’énergie en composés chimiques, cela renforcerait le processus de croissance.

De petites avancées

Les scientifiques cherchent également des moyens de produire des substances à usage humain grâce à la photosynthèse. Selon une récente enquête dans le New Scientist, il n’y a pas encore de percée majeure sur le sujet. Ce que certains décrivent comme une « feuille artificielle » n’est pour l’instant rien de plus qu’une minuscule puce. Il a également été découvert que les bactéries semblent être une bonne connexion pour convertir la lumière de manière efficace. Dans un premier essai, les scientifiques ont été capables de produire des engrais azotés à partir d’une feuille artificielle en utilisant la lumière du soleil, mais à une échelle minime. Or, ce qui se passe actuellement dans l’industrie contribue énormément au réchauffement climatique, car cela dégage beaucoup de CO2. La clé de la conversion se trouve dans des bactéries qui sont alimentées par de légères particules. Et comme il n’y a rien de plus facile que le rafistolage génétique des bactéries, on rêve déjà à haute voix de photosynthèse artificielle pour produire, entre autres, des produits pharmaceutiques et des plastiques biodégradables.

L’automne dernier, Nature Communications a publié un article sur une première « feuille artificielle », qui était plus qu’une minuscule puce, comme c’était le cas dans les précédentes recherches. Cela ressemble à un panneau solaire de 8cm sur 8 cm. Il utilise la lumière du soleil pour produire de l’hydrogène – un carburant potentiel. Son rendement est faible : 3,9% de l’énergie lumineuse sert à produire de l’hydrogène. Par rapport à la photosynthèse végétale, c’est normal. Mais pour être économiquement rentable d’un point de vue industriel, cela ne suffit pas. Si nous voulons que la nouvelle technologie se traduise en solutions utiles, nous avons besoin de bricoler davantage.

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